Le 6 décembre 2011, le Japon a lancé sa saison de chasse à la baleine dans l’océan Austral, avec un quota de 985 prises autorisées d’ici le printemps. Le point sur une pratique moribonde et décriée avec Junichi Sato, directeur de Greenpeace Japon.
OI : Comment le Japon parvient-il à s’affranchir des critiques de la communauté internationale concernant ses programmes de chasse à la baleine ?
JS : Le Japon se sert de l’article 8 de la convention de la Commission baleinière internationale (CBI) qui permet aux Etats de fixer librement des quotas de pêche « scientifique ». Ceci autorise non seulement la chasse des baleines mais également d’en commercialiser la viande. La condition : que soient menées des études sur les sujets pêchés, et que les conclusions soient publiées, sous contrôle du gouvernement. Au Japon, aucune de ces conditions n’est respectée, et pour cause : la pêche n’a rien de « scientifique ». Cette justification n’est qu’un leurre. La viande de baleine finit juste directement dans les restaurants.
OI : Comment les Japonais perçoivent-ils la chasse à la baleine ? Et comment ressentent-ils les critiques de la communauté internationale, ou les actions de Greenpeace pour l’empêcher ?
JS : Des études sérieuses ont démontré que 95 % des Japonais ne consomment pas, ou presque jamais de viande de baleine. La chasse à la baleine tient donc plus de la volonté patriotique de ne pas céder aux pressions étrangères, qu’à une demande des consommateurs. Il n’empêche qu’elle reste une industrie déclinante, qui ne survit que grâce à d’importantes subventions accordées par l’Etat.
Pourtant, pendant longtemps, les actions de Greenpeace contre cette pratique ont été mal perçues. Les choses ont même empiré quand mon collègue Toru Suzuki et moi-même avons été impliqués, à tort, dans un scandale de détournement de fonds, après que nous ayons dénoncé des affaires de corruption dans les industries de pêche. Nous nous sommes battus pendant trois ans pour affirmer notre innocence. Finalement, les industries ont dû reconnaître que la corruption existait bel et bien, et que les accusations contre nous étaient sans objet. Depuis cette affaire, mais aussi l’accident de Fukushima, l’opinion publique à notre égard commence à changer positivement.
OI : Quelles sont les principales actions que Greenpeace met en œuvre au Japon pour lutter contre cette chasse?
JS : Greenpeace s’oppose à la chasse à la baleine partout dans le monde, notamment dans les autres pays pratiquant cette pêche à grande échelle, comme la Norvège et l’Islande. Mais depuis quatre ans, nous nous concentrons surtout sur le Japon. Nos actions visent à mettre en lumière les pratiques commerciales douteuses des industries de pêche et le fait qu’elles vivent sous perfusion budgétaire de l’Etat. Nous avons fait pression pour diminuer le nombre de magasins vendant de la viande de baleine. Résultat : pour la saison 2010-2011, sur un quota de pêche de 1000 baleines, seules 170 ont été pêchées. De plus, leur viande a eu du mal à être écoulée, les Japonais n’y étant pas si attachés que ça.
OI : L’alternance politique au Japon depuis 2009 a-t-elle changé la donne ?
JS : Le Parti démocrate du Japon (PDJ) est effectivement plus ouvert sur la question que l’ancien parti au pouvoir, le Part libéral démocrate (PLD). Des voix dans le gouvernement en place se font clairement entendre pour mettre fin à la pêche à la baleine. Elles ne sont que le relais de l’opinion publique japonaise, qui est de plus en plus préoccupée par les questions environnementales depuis Fukushima. Nous espérons que cette situation va relancer un nouveau courant d’activisme qui permettra de mettre définitivement fin à ces pratiques.
Propos recueillis par Damien Durand