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10H38 - mardi 27 juillet 2021

Pr. William Dab : « quelle logique au passe sanitaire ? »

 

L’histoire de la santé publique est émaillée d’une tension entre la protection du groupe et le respect des libertés individuelles. Le débat relatif au passe sanitaire illustre cela de façon marquée. Un raisonnement rationnel fondé sur des données épidémiologiques aurait évité bien des controverses actuelles.

Commençons par rappeler le principe de précaution tel qu’il figure dans l’article 5 de la charte de l’Environnement adossée à la Constitution : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Clairement, ce qu’indique ce principe, c’est que les pouvoirs publics doivent justifier les mesures sur la base d’une évaluation du risque. Clairement aussi, il faut rappeler que la maîtrise de l’épidémie de covid-19 repose sur une mesure centrale : limiter le risque de contagion et pour cela, éviter que les personnes contagieuses entrent en contact avec d’autres personnes, notamment celles qui sont à risque élevé de complications.

On sait aujourd’hui que les aérosols constituent une des principales sources de contamination du coronavirus. Dès lors, cela a deux implications majeures : d’une part, il faut protéger prioritairement les lieux fréquentés, les lieux peu ventilés et les lieux où il y a des personnes fragiles. D’autre part, il faut maintenir dans ces lieux les mesures barrière, car ni le vaccin ni les tests de diagnostic ne sont parfaitement fiables.

Si on commençait par rappeler ces éléments de base grâce à une campagne d’éducation à la santé bien menée, personne de bonne foi ne descendrait dans la rue pour s’y opposer.

Au lieu de cela, on se retrouve avec un enchevêtrement de dispositifs dont la logique n’est pas claire, notamment dans les exceptions annoncées. Qu’on en juge : sous réserve de l’avis du Conseil constitutionnel, la loi adoptée par le Parlement prévoit que le passe sanitaire (vaccination complète depuis au moins une semaine ou certificat d’immunité prouvant une contamination dans les six derniers mois et une rémission depuis au moins une semaine, ou un test négatif datant de moins de 48 heures) est obligatoire pour :

  • se rendre au restaurant, au bar ou au café (même sur les terrasses),
  • dans les trains de longue distance : TGV, Intercités et trains de nuit, mais pas dans les transports du quotidien (comme les TER, RER, Transilien, métros ou bus),
  • les activités de loisirs,
  • les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux (sauf en cas d’urgence),
  • Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire
  • Les foires, séminaires et salons professionnels.

Rien n’est prévu pour équiper les établissements d’enseignement de capteurs de CO2. Les boîtes de nuit restent ouvertes malgré les nombreux clusters qu’elles génèrent.

Comprenne qui pourra, mais justement, face à tant d’incohérences, l’opinion prévaut que le passe sanitaire est une obligation de vaccination masquée et c’est cela qui attise les mécontentements.

L’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, une mesure évidemment liberticide, a été acceptée, car les dégâts du tabagisme passif étaient scientifiquement documentés. Chacun peut comprendre que la protection de la santé, un droit constitutionnel, peut justifier quelques restrictions de certaines libertés. En régime démocratique, la légitimité des décisions doit reposer sur des arguments expliqués et partagés. Une fois de plus, c’est ce qui a manqué.

 

Professeur William Dab

Professeur émérite du Cnam (laboratoire MESuRS)
Expert près de la Cour d’appel de Paris
Ancien directeur général de la santé