Opinion Paris 2024
08H07 - mercredi 19 juin 2024

« Nous sommes une nation para sportive » Marie-Amélie Le Fur, présidente du CPSF, dans les yeux de Paris 2024, la chronique #38 de Frédéric Brindelle

 

Les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) sont indissociables aux yeux du mouvement sportif Français. Nous l’avons constaté une nouvelle fois lors de la présentation des candidats au rôle de porte-drapeau pour les cérémonies d’ouverture. Dans la Maison du sport Français, siègent côte à côte pour l’occasion face à la presse, le président du CNOSF, David Lappartient et la présidente du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF), Marie Amélie Le Fur.

 

Seul bémol à cette parité, la liste des candidats propose un choix de 14 valides pour seulement 4 handicapés.

Quelle incongruité de devoir élire deux noms parmi ce quatuor de légendes du paralympisme : Nélia Barbosa ou Nantenin Keita et David Smetanine ou Alexis Hanquinquant.

Impossible donc, de vous proposer notre préférence pour l’athlète féminine et masculin qui porteront le drapeau lors de la cérémonie organisée place de la Concorde le 28 août prochain (une liste de 12 recalés vexe moins que le « c’est toi ou l’autre »).


A l’occasion de cette présentation, Marie Amélie Le Fur s’est confiée à Opinion Internationale sur les enjeux de Paris 2024, version paralympiques.

 


Marie-Amélie Le Fur, est-ce que le mouvement paralympique a encore quelques inquiétudes, notamment pour remplir les stades ? Il se dit que, finalement, ça n’aurait pas autant de prises que cela.
Pas d’inquiétude en tant que tel, mais on sent qu’il faut vraiment créer ce lien entre les Français et les jeux paralympiques. Dans les flux de vente traditionnels de la billetterie paralympique, on sait que la vente des billets est tardive. Elle est souvent conditionnée par la ferveur du pays hôte et les festivités qui sont portées par cet esprit olympique qui se révèle notamment avec l’arrivée de la flamme.
Nous avons eu une accélération dans la vente de la billetterie suite à la campagne « Il ne me manque rien, sauf vous » porté par trois de nos para athlètes emblématiques, Pauline Déroulède, Gaël Rivière et Arnaud Assoumani. Maintenant, il faut transformer l’essai, capitaliser sur cet esprit que nous allons connaître tous ensemble cet été. Chacun va retrouver, lors des JPO, ce même esprit de performance, de célébration, avec une billetterie qui est véritablement accessible : des billets d’entrée à quinze euros et la moitié des billets vendue à moins de vingt-cinq euros. C’est un événement qu’on vient vivre en famille, entre amis, pour vivre un moment sociétal très fort.


Marie-Amélie, vous avez annoncé, ce qui me semble pour moi être une très bonne nouvelle, que la France sera représentée dans toutes les épreuves des Jeux paralympiques. Ça dit beaucoup de choses, parce qu’en France, les personnes en situation de handicap hésitent encore à s’inscrire dans les clubs de sports. Certaines disciplines sportives aujourd’hui manquent d’athlètes.
Il y a le classement des nations et les résultats que va faire cette équipe de France, mais s’aligner dans vingt-deux sports démontre la pluralité du modèle sportif français. Cela confirme que nous sommes une nation para sportive. Cela illustre aussi tout le chemin parcouru ces dernières années. Notamment la visibilité gagnée par les Jeux paralympiques, par nos athlètes et par les actions mises en œuvre sur les territoires grâce à tous les acteurs qui ont développé des projets concrets en faveur de l’accès au sport pour les personnes en situation de handicap.  Ces acteurs ce sont les collectivités, les associations dans les territoires, le secteur de la santé et le mouvement sportif en cours de transition. Dans les prochaines semaines, nous atteindrons les mille cinq cents clubs formés grâce au programme “club inclusif”. Notre objectif est d’en avoir trois mille d’ici la fin de la saison 2025. Cela s’inclut dans un projet plus global pour faire rayonner le sport dans le parcours de vie des personnes en situation de handicap.


Il faut toujours communiquer plus ! Un exemple, certaines personnes qui n’utilisent pas au quotidien un fauteuil roulant ont pourtant un handicap qui leur permettrait de s’aligner en compétition, en para athlétisme en fauteuil roulant. Ils l’ignorent ! 
Les personnes en situation de handicap peuvent être assez rapidement éligibles au mouvement para sportif. Il y a encore des mythes, des représentations qui leur font penser qu’elles ne sont pas aptes à faire du sport. Nous devons démultiplier l’information et lever les tabous d’autocensure. Parallèlement, il nous faut à la fois structurer l’offre pour qu’elle soit à proximité des bassins de vie des personnes en situation de handicap et travailler avec les acteurs clés de leur parcours de vie. Car quel que soit son handicap, on peut pratiquer une activité sportive.


Je milite à titre personnel pour l’intégration de certaines disciplines handisports dans des championnats internationaux, réservés aux valides. Je pense à chaque fois, au tandem non-voyant en cyclisme sur piste. La discipline du tandem a disparu en valide alors qu’à l’époque de Daniel Morelon, la France y gagnait de nombreuses médailles. Voilà une idée d’une discipline handisport qui aurait sa place dans un championnat du monde. Est-ce que le mouvement paralympique a cette envie de mixer les disciplines ?
Là, ça se joue vraiment à l’échelle internationale. Le paysage des fédérations a considérablement évolué ces dernières années et beaucoup de fédérations olympiques sont également paralympiques. Cela ouvre le champ des possibles d’avoir des championnats du monde qui soient mutualisés, comme en aviron ou en paracyclisme. Cela donne une richesse, une ouverture du mouvement paralympique sur un public conquis initialement par la discipline. Cela mutualise les coûts, les bénévoles. C’est un véritable enjeu pour les disciplines qui l’envisagent. Tout ça concourt à structurer un circuit de compétitions et un rayonnement des para sportifs.


Propos recueillis par Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »