La chronique de Jean-Philippe de Garate
10H30 - jeudi 20 juin 2024

Réveillez-vous donc, Théophile ! La chronique de Jean-Philippe De Garate

 

Quelque part dans la rue de Longchamp, à la lisière forestière de ce faubourg parisien et assez peu prolétarien de Neuilly-sur-Seine, s’éteignit en 1872 l’homme au gilet rouge de la bataille d’Hernani (25 février 1830).

Pour l’heure, déjà marqué par la guerre et la guerre civile (1870-71), il avait, en rentrant, trouvé sa maison incendiée.

Et, frappé au cœur, s’en fut en une nuit d’octobre de ce monde trop inhospitalier.

On croit toujours les écrivains loin du monde, en un mot de braves sédentaires, barricadés derrière chats et coussins, avec thé fumé, cigarettes turques et affinités sélectives.

Que nenni !

Gautier, prénom Théophile, natif, en 1811, de Tarbes, avait certes grandi sous l’aile d’une nostalgie qui ne le quitta pas. Mauperthuis, où se rendait sa mère, n’est-il pas un village de Seine-et-Marne où se dressait le grand château des Montesquiou, abattu par la Terreur ?

Tout le dix-neuvième siècle ne se comprend pas sans la commotion des années de feu, cette Révolution qui brûle tant de siècles et broie tant de cœurs en si peu de temps, à peine une décennie, 1789-99.

Pour être cautérisée au fer rouge d’un Premier Consul.

Théophile, enfant très sensible, portant « au cœur une entaille profonde pour épancher ses vers, divines larmes d’or », ne cessa d’intriguer ses contemporains.

Si on ne cite plus le Capitaine Fracasse, Mademoiselle de Maupin, Le roman de la Momie, quelques autres ouvrages, on a bien tort.

Théophile est un Grand.

Balzac le voulait pour La Chronique de Paris, Hugo l’adouba, et il sera élu en 1862 à la tête de la Société des beaux-arts, entouré – excusez du peu- de Delacroix, Puvis de Chavannes, Édouard Manet, Gustave Doré …

Choyé par Louis-Philippe, qui l’envoya en Espagne – d’où naîtrait « España »- il reçoit le plus bel hommage d’un certain Baudelaire qui lui dédie ses Fleurs du Mal. Et il imagine le projet de libération de l’Empereur à Sainte-Hélène – jamais mort !

Ah là là ! Cette Grande France !

Un peu loin d’une certaine année 2024… Nos 36 listes et demi.

Inutile de vous rendre à Neuilly. De Théophile, vous verrez la maison.

Mais à l’intérieur, il n’y a plus rien : ça résume l’époque.

La nôtre.

Resteront quelques phrases :

« Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. »

 

 

Jean-Philippe de Garate

Jean-Philippe de Garaté

Ancien avocat, ancien magistrat, Jean-Philippe de Garaté a défrayé la chronique avec son « Manuel de survie en milieu judiciaire » (éd. Fortuna). « Du côté de chez Céline » (éd. Portaparole) a mis en relief sa facette littéraire.
A lire également : «
Trois petits tours » (Le Lys bleu), Bréviaire de la Destruction (éd. Fortuna), « Le Juge des Enfants » (Portaparole), » l’Avocat » (Le Lys Bleu)…