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17H46 - vendredi 21 juin 2024

Commémoration du 80e anniversaire des Martyrs de Tulle : un silence présidentiel assourdissant

 

Au lendemain de la décision de dissoudre l’Assemblée Nationale, le déplacement présidentiel visant à commémorer le 80e anniversaire des Martyrs de Tulle était très attendu par les médias et une société avide de comprendre la logique présidentielle.

Prompt à invoquer l’histoire dans ses très nombreux déplacements mémoriels, le Président Emmanuel MACRON a honoré les 99 pendus et les 149 déportés dans un silence de plomb, à peine perturbé par un échange en aparté avec son prédécesseur François HOLLANDE jugeant la dissolution comme une mauvaise décision en ces temps graves. Pourtant aucune prise de parole présidentielle n’a rythmé cette cérémonie. Pas un mot présidentiel pour revenir sur cet épisode de la barbarie de la division Das Reich, le 9 juin 1944, la veille du massacre d’Oradour-sur Glane.  

Il y avait pourtant matière à s’exprimer tant le 80e anniversaire des Martyrs de Tulle fut riche en capacité de mobiliser les énergies et une foule nombreuse.

La veille, plus de 1200 Tullistes s’étaient rassemblés pour une cérémonie en deux temps : d’abord aux abords de la Place de Souilhac où les pendaisons commencèrent au début de l’après-midi du 9 juin 1944, puis au Champ des Martyrs de Cueille distant de 3 kilomètres, une ancienne décharge ou les Nazis jetèrent les corps des victimes. Entre les 2 sites, 3 kilomètres de marche n’ont pas clairsemé la foule réunie. Sur le parcours, 1000 oiseaux de porcelaine réalisés avec les enfants de la Ville s’affichent sur les balcons, les trottoirs, les parapets … comme autant de signes d’espoir pour que cette mémoire ne s’éteigne pas.

 

Ne pas oublier les conséquences qui peuvent découler d’un pouvoir autoritaire, raciste et antisémite et continuer à transmettre cette mémoire aux jeunes générations pour permettre des choix éclairés : c’est le sens du soutien allemand exceptionnel dont a bénéficié le 80e anniversaire des Martyrs de Tulle : 100 000 euros de dons privés allemands ont été accordé, un soutien financier inédit dédié au projet du futur Mémorial des Martyrs de Tulle.

 

 

Le soutien allemand se concrétise aussi par le don de Folker ZOLLER de la sculpture monumentale « Paper Bomb », œuvre de l’artiste allemande Nessi NEZILLA désormais installée sur le champ des Martyrs de Cueille, prélude et point central du grand projet de voyage contre l’oubli qui verra jeunes français et jeunes allemands convoquer les arts pour une nouvelle séquence en octobre prochain.

Si le silence présidentiel pouvait apparaître conforme avec la profonde gravité face à ces atrocités, l’occasion de souligner la force de la coopération franco-allemande au service d’une nécessaire mémoire partagée européenne aurait certainement servi une position de refus de l’isolationnisme et du nationalisme que certains partis populistes prônent avec succès dans les urnes.

Certes, durant l’après-midi, Oradour-sur Glane, fut l’occasion d’une séquence avec le Président Allemand Walter STEINMEIER, mais plus qu’une conclusion incantatoire en invoquant le souvenir d’Oradour et la force de la réconciliation d’être la sève de notre projet européen et notre volonté encore bien présente de liberté, d’égalité et de fraternité, n’était-il pas plus expressif que de s’appuyer sur des réalisations concrètes dont une – la « Paper Bomb » – constituait le cadeau du Président allemand. Si la force de la parole présidentielle ne peut pas se diluer dans le détail, les résultats concrets offrent parfois une illustration bien tangible à un discours qui sur le fond reste excellent, mais peu intelligible par le citoyen lambda.

 

Max HIMM