Opinion Paris 2024
22H43 - vendredi 21 juin 2024

« Homme femme, mode d’emploi » le louche dilemme du CIO. Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #39 (épisode 2) de Frédéric Brindelle

 

Le mouvement Olympique observe consciencieusement la juste répartition des épreuves entre hommes et femmes aux JO. Il hérite d’une misogynie culturelle ancestrale. Le baron Pierre de Coubertin, le père fondateur déclarait, lui-même : « Les Jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes […] Une olympiade femelle ne pourrait être qu’inintéressante, inesthétique et incorrecte ».

Ce n’est qu’en 2007 que la charte olympique rend obligatoire la présence de femmes dans tous les sports. Il aura fallu plus de 40 années pour que la parité soit effective. Depuis les Jeux de Montréal en 1976 où seules 20,7% étaient des participantes, beaucoup de luttes d’influence ont dû être menées. A Paris, en 2024, l’Olympisme proposera un parfait équilibre entre participants hommes et femmes. La mixité s’impose au centre des valeurs de ces Jeux. 10 sports offriront des épreuves mixtes où des équipes composées de garçons et de filles s’affrontent même si, systématiquement, l’équilibre de la compétition se construit sur l’égale répartition des sexes.

L’athlétisme et la natation innovent avec des relais composés de 2 garçons et 2 filles (chaque genre se lance dans un temps qui lui est réservé). Le triathlon et le judo avaient déjà installé cette formule lors des précédentes éditions. Les sports de raquettes (badminton, tennis et tennis de table) priorisent leur formule « double mixte ». Enfin les sports « moins physiques » comme le tir, tir à l’arc et la voile s’alignent logiquement sur la tendance.

A l’opposé, trois sports restent réservés à un seul sexe, la gymnastique rythmique et la natation synchronisée pour les femmes, la lutte gréco-romaine pour les hommes.

Le principe d’affrontements exclusifs entre hommes d’un côté et entre femmes de l’autre demeure mais la formule des épreuves vise à associer les deux sexes dans un même événement. L’objectif affiché est de prôner dans le monde entier, la valeur centrale de l’Olympisme, l’égalité entre les êtres humains.

En France, nos championnes occupent une place médiatique encore inférieure à nos champions. Acceptons l’idée que le sport fonctionne à la passion. Les « masculins » Tour de France, Tournoi des 6 Nations, Championnat d’Europe de football trônent dans l’histoire contemporaine depuis si longtemps que leurs formules féminines, beaucoup plus récentes, ne parviennent pas encore à intéresser autant. 

C’est comme une bonne vieille émission de télévision qu’on regarde mécaniquement. La puissance de son audience ne serait être égalée dans un temps restreint.

Pourtant, la bascule s’opère et les enjeux du sport féminin explosent. Nos représentantes olympiques, passées et présentes, monopolisent l’attention du pays. Marie Josée Pérec, Céline Dumerc ou encore Laure Boulleau partagent leurs expériences quand Clarisse Agbégnénou, Cléopâtre Darleux et Louise Maraval gagnent en compétition et captivent les médias.

Car la supériorité physique masculine n’équivaut en aucun cas à sa plus grande spectacularité. Les sports collectifs féminins développent des stratégies multiples quand les masculins s’appuient sur un affrontement intense mais stéréotypé. En fait, les fans de sports ne privilégient plus le genre mais l’intensité émotionnelle que l’histoire raconte. L’athlète fascine quel que soit son sexe. Impossible à première vue de différencier le genre de l’escrimeur au combat sous son masque. La course de triathlon répond aux mêmes tactiques de course chez les hommes et les femmes. En natation, le nom légendaire « Manaudou » s’emploie aussi bien au féminin qu’au masculin, Laure ou Florent.

L’athlète incarne un idéal et un repère. Les réussites accouchent de vocations. Auparavant, seuls les petits garçons s’imaginaient devenir des Michel Platini, Yannick Noah ou Serge Blanco. Aujourd’hui, Estelle Mossely, Wendie Renard ou Caroline Garcia déclenchent des nuées de rêves chez les jeunes filles qui s’identifient. Dans ce jeu de mimétisme l’esthétisme s’invite toujours au menu, surtout au féminin, concédons-le.

 Combien de grand-mère regrettent encore, en 2024, que leur petite fille s’inscrive au handball plutôt qu’à la danse ? Combien d’hommes persistent à nier la compatibilité physique des filles avec l’exigence spectaculaire du basket ? La majorité des français n’estiment-ils pas qu’une fille risque de se masculiniser en pratiquant la boxe ou le rugby ? « Ma gamine pratique la lutte en compétition, est-elle homosexuelle ? ». « Mon garçon fait de la gymnastique ou du patinage artistique est-ce normal ? ».

La pratique sportive conditionne les questions de genre en pleine période de mutation de notre société. Les Jeux Olympiques apportent des réponses. Ils vulgarisent l’égalité des droits tout en martelant les principes de différence physique qui annihilent les revendications d’un féminisme « wokiste ».

 Instaurer des compétitions transgenres, uniformiser le commentaire sur la qualité de la performance des hommes et des femmes sont inenvisageables. Les uns viennent de Mars, les autres de Vénus, c’est ainsi.

 Mais toutes les planètes peuvent participer aux Jeux, le rassemblement insiste juste sur la singularité des drapeaux respectifs ainsi que sur l’égale importance de leur présence.

Un homme, une femme, comment ça marche ? A sa façon, naturellement.

 

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »