Opinion Paris 2024
14H12 - mardi 25 juin 2024

Et le Tour de France dans tout ça ? Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #41 de Frédéric Brindelle

 

Elle nourrit le « récit populaire traditionnel, plus ou moins fabuleux », la définition même du mot « légende ». La plus grande course de cyclisme au monde, un des 10 événements sportifs planétaires le plus regardé sur Terre, s’est accaparé ce terme, au fil des années, depuis sa création en 1903.

Trahisons, accidents, duels, tricheries, souffrances, révolutions, manifestations, exploits, le Tour de France cycliste promène sa légende, au grès des époques, toujours cramponné au fil élastique de l’existence.

Fréquemment, les observateurs interloqués ont craint qu’il n’aille pas au bout de ses plus de 3000 tortueux kilomètres. Le COVID ne parvint pas à le coucher, juste à le décaler en septembre. Seules les deux guerres mondiales nous privèrent de sa robe multicolore, tourbillonnant de massifs montagneux en venteux bords de mer, scintillant de par les goudrons brûlants et les pavés glissants. Paris l’accueillait, l’acclamait, l’illuminait au bout de trois semaines célébrées par une population gavée de saucissons, de bonbons, de chapeaux, de stylos… 

 

2024, Le Tour ne verra pas Paris.
Les Jeux Olympiques accaparent les Champs Élysées, la place de la Concorde, les forces de l’ordre, les transports, la France. Les coureurs débouleront sur la promenade des Anglais, à Nice.
De toute façon, les anglais gagnent beaucoup plus le Tour de France que nos Français. Aucune victoire depuis Bernard Hinault en 1985, on dirait Rolland Garros !  Les Anglais, Espagnols, Américains, Italiens, Allemands, Danois, Slovènes, Colombiens, Australiens et Luxembourgeois ont attisé notre frustration en 39 années. Et rien ne laisse imaginer qu’un de nos compatriotes puisse relever le défi le 21 juillet prochain sur la Côte d’Azur.

 Une nouvelle fois cette année, la Grande Boucle partira de l’étranger, d’Italie, à Florence. Ni la Bretagne de Hinault, ni l’Ile de France de Fignon, ni la Normandie d’Anquetil, ni le Nord de Stablinski ou l’Est de Pinot ne verront passer les coureurs. Pour rallier Nice depuis Florence, la boucle s’arrondit inévitablement et réduit l’étendue de l’Hexagone parcourue, c’est géométrique !

 Christian Prud’homme, le patron de l’épreuve, savoure chaque départ de l’étranger, qui offre à sa course, notre patrimoine national, une bouffée de popularité, que ce soit chez les Danois, les Belges, les Néerlandais ou autres Anglais. Plus que jamais, ce départ de Florence le réconforte. Parce que le week-end du 29 juin prochain, date du grand départ, le président Français a décrété que nos compatriotes se rendraient aux urnes.

Ouf ! Pas besoin de chambouler la course pour que chacun participe à son étape citoyenne. Les coureurs et la caravane du Tour s’époumoneront en Italie ! Malheureusement, les législatives requièrent un second tour. Le 7 juillet, la course élira sa résidence autour de Troyes où la gestion des routes et des espaces à sécuriser s’annonce périlleuse. Le COJOP de Paris 2024 redoutait les conséquences de la dissolution pour le bon déroulement des Jeux Olympiques, 19 jours après un verdict probablement déstabilisant. Mais que dire du Tour de France. L’évènement exige une sécurité immatérielle. Les 180 coureurs déboulent à 50 km/h au milieu d’une foule incontrôlable, dans un espace totalement ouvert sur plus de 180 km, à la merci de toutes les plus futiles revendications. Encore merci Président Macron.

Le 7 juillet, nos forces de l’ordre jongleront entre leurs missions Olympiques, quotidiennes, politiques, et vélocipédiques.

Mais le chemin de croix ne s’arrêtera pas là. Les électeurs se prononceront sur le score des candidats, puis sur l’identité du nouveau premier ministre. Le peuple submergé par la déception, déferlera sur le territoire, martèlera son attachement au patrimoine national, utilisera ses symboles pour hurler sa vindicte. Et au milieu de tout cela, nos 180 forçats de la route se fraieront un passage au risque de leur vie pour porter le maillot jaune taché de rouge sang. Une semaine de tous les dangers. Pensons aux coureurs de l’équipe « Israël Premier tech » qui arboreront un maillot insécurisé par l’antisémitisme pétrifiant notre territoire depuis le 7 octobre. Tempérons toutefois nos illuminés extrêmes, cette équipe n’alignera aucun coureur Israélien sur nos routes. Seul le nom du sponsor incarne Israël.

 
Il y a 100 ans, l’italien Ottavio Bottecchia gagnait le Tour. Les frères Pelissier, leaders du cyclisme français, abandonnaient suite à un désaccord sur le règlement de la course. C’était en 1924, Albert Londres leur consacrait un article dans « le petit parisien » au titre évocateur : « les martyrs de la route ».

 

Dans quel état les coureurs termineront l’épreuve, 100 ans plus tard. Malgré les guerres, le COVID, les escroqueries d’Amstrong, rien n’a changé pour le Tour de France.

Il y a toujours des observateurs pour se demander si la grande boucle ira bien jusqu’au bout. 

 

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »