Edito
08H46 - jeudi 26 septembre 2024

Police – justice, Retailleau – Migaud : Le « En même temps » jusqu’à la lie. L’édito de Michel Taube

 

Avec le « en même temps », Emmanuel Macron a inventé une formule magique qui a fait sa fortune et fera sa chute.

La guéguerre Retailleau – Migaud n’est qu’un ricochet, un de plus, d’un tsunami à répétition : l’indécision politique. Le « En même temps » macronien a tétanisé l’exercice du pouvoir régalien entre police et justice.

Pour preuves, ces 48 heures de joutes épistolaires (enfin il s’agit de tweets de moins de 200 caractères) et médias interposés, entre le trop sûr de lui Retaillau et l’homme de cour (des comptes et autres Hautes autorités) Migaud. Passes d’armes augurant mal des prochaines semaines au sommet de l’Etat.

D’autant que les deux ministres rivaux ne sont que le reflet des dissensions profondes qui doivent opposer sur les questions régaliennes les deux têtes de l’exécutif. Tant qu’Emmanuel Macron présidera et que Michel Barnier gouvernera, cela ira. Mais dès que la nature du chef de l’Etat reprendra le dessus sur sa retenue du moment, il est fort à parier que l’hôte de l’Elysée fera rentrer dans le rang Bruno Retailleau. Démission en vue ?

 

Qui rend la justice pénale ?

En fait, tout cela n’est que théâtre d’ombres.

Les politiciens, en particulier les leaders de la droite nationaliste, jacassent beaucoup, mais ce sont les juges, à travers des milliers de décisions, qui détiennent largement le pouvoir de décider des peines et de leur exécution. La réponse pénale à la demande de sécurité, d’autorité et d’ordre n’est pas dans les mains de nos politiques. Elle appartient très largement aux juges quelles que soient les chambres qui la rendent. Les milliers de décisions de justice qui forment la jurisprudence ont, depuis des décennies, forgé un corpus pénal qui, souvent, tient tête, nuance, atténue, voir détourne et trahit les lois votées, elles, par nos chers politiques.

Cela s’appelle pour les uns l’Etat de droit et la séparation des pouvoirs, pour les autres, un excès de juridisme. Le droit contre la politique : une vieille histoire, là où fondamentalement la justice fait partie des trois pouvoirs politiques avec l’exécutif et le législatif.

Et pour cause, la justice a pour fonction principale de sanctionner les personnes qui violent les lois et attaquent la sécurité des biens et des personnes. Or la sécurité est la mère de tous les droits et de toutes les libertés. Sans sécurité physique, il n’y a ni liberté d’expression, ni propriété privée, ni libre activité culturelle, économique, sociale ou associative.

Faut-il rappeler que pour tous les grands philosophes, le contrat social repose sur un donnant-donnant, un gagnant-gagnant : l’État assure notre sécurité et en échange il nous laisse libre de vivre comme bon nous semble dans la limite des intérêts d’autrui. Si notre sécurité n’est plus assurée, le contrat social est rompu et l’état nature est de retour, la guerre de tous contre tous. Hobbes avait bien raison.

Montesquieu ne considérait pas la justice comme un pouvoir totalement autonome. C’est l’autorité judiciaire qui dispose d’une certaine et robuste indépendance par rapport à l’autorité exécutive. Mais non le pouvoir de justice dans son ensemble. La preuve ? Les décisions de justice sont rendues au nom du peuple français. Elle n’est donc pas totalement indépendante, car elle est soumise au souverain, c’est-à-dire au peuple qui exerce son autorité à travers les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif.

C’est pourquoi fondamentalement, pour réconcilier justice et police en France, les juges d’appel, les membres du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, devraient être élus par le peuple avec un mandat renouvelable une seule fois. Inventons un modèle français de recrutement, de formation et de relégitimation des juges, accusés par une majorité de Français de trop de laxisme.

Autre idée peut-être révolutionnaire mais de bon sens… Et si le ministre de la justice était un ancien flic ? La police judiciaire s’en trouverait fortement renforcée car les fonctions judiciaires exigent de nos jours des compétences développées en matière d’enquête sur le terrain et d’infiltration, que ce soit dans la lutte contre la criminalité financière, les réseaux de trafic de drogue ou les groupes islamistes.

 

Depuis trop d’années, la relation entre la justice et la police ne fonctionne pas bien en France. Le couple impossible Retailleau-Migaud n’est que le symptôme d’un mal français qui exige un remède de cheval !

 

Michel Taube

Directeur de la publication