La pollution du Gange n’est pas nouvelle. Déjà soulignée par l’écrivain américain Mark Twain qui disait qu’« aucun microbe digne de ce nom ne pouvait survivre dans ces eaux », elle atteint des records depuis quelques années.
Le fleuve sacré représente 25 % de la totalité des réserves d’eau en Inde et pas moins de 400 millions de personnes vivent sur ses rives. Il sillonne sur près de 2 510 kilomètres et charrie, depuis sa source au nord-ouest de l’Himalaya, près de 2 milliards de litres d’eaux usées jusqu’au Golfe du Bengale.
Une pollution extrême
Les sources de pollution du Gange sont aujourd’hui parfaitement identifiées. En tant que fleuve sacré de l’Inde, il est le noyau central des rituels religieux hindous.
Chaque année des millions d’indiens y font leurs ablutions en s’immergeant dans ses eaux et en buvant une gorgée de « nectar » pour laver leurs péchés (bien qu’un nombre croissant d’hindous, conscients des risques sanitaires, dérogent à cette dernière tradition). Des millions d’autres personnes vivant sur ses rives s’y lavent quotidiennement et y jettent de nombreux détritus.
D’autres pratiques religieuses, comme celles consistant à y faire flotter des couronnes de fleurs bénies ou de petites bougies de paraffine, nuisent à l’écosystème. Plus dangereux encore, le Gange charrie chaque jour des centaines de dépouilles qui y sont jetées par les familles trop démunies pour payer le bois nécessaire à la crémation des corps. La police s’y débarasse même de certains cadavres lorsqu’ils ne sont pas réclamés.
Au-delà de ces actes religieux –qui ne représentent qu’une part négligeable du problème de pollution– le traitement des eaux usées reste le défi à relever par les autorités indiennes. La part du rejet des eaux sales non traitées est estimée à 75 % de la pollution croissante du fleuve, le reste étant causé par les industries. L’insuffisance des installations d’épuration en est la raison : seulement 20 % des eaux provenant des villes bénéficient d’un traitement avant d’être rejetées dans le Gange.
Comparable à un dépotoir, le fleuve, devenu bouillon de culture, est source majeure de maladies. En Inde, un quart des personnes admises à l’hôpital présente une pathologie liée à l’eau. Les maladies de peau se multiplient, tout comme les cas d’hépatite A, de dysenterie ou encore de typhoïde. Dès lors, il n’y a rien d’étonnant à ce que le Delta du Gange (le plus grand du monde), soit le réservoir mondial du choléra.
Des efforts anéantis par un désaccord institutionnel
Face à la menace sanitaire et environnementale que représente cette pollution, les autorités indiennes mènent depuis vingt ans une politique active. Toutefois, devant l’absence de résultats, nombre d’ONG estiment que les efforts mis en place sont insuffisants, l’Etat ne faisant pas de la politique environnementale une priorité.
Un premier projet, appelé Ganga action plan I (GAP 1) est lancé en 1985, suivi par le GAP 2 de 1993 à 1996 et enfin d’un troisième entre 1996 et 2007. Si près d’un milliard d’euros a été investi, ces actions restent des échecs.
Le manque de réflexion scientifique sur les installations à mettre en œuvre et le désaccord entre l’Etat fédéral et les Etats indiens ont eu raison des bonnes intentions des autorités.
Clean Ganga, la dernière chance du fleuve
Malgré tout, l’Inde a encore une chance de sauver son fleuve sacré. Un ultime plan, appelé « Clean Ganga », a été adopté en 2009 par le National Ganga River Basin Authority. Il a pour objectif de se défaire définitivement de la pollution du fleuve, notamment par le traitement total des eaux usées d’ici à 2020.
Cette ambition bénéficie du soutien de la Banque mondiale qui annonçait le 31 mai 2011 le versement d’un milliard de dollars pour la dépollution du fleuve. Cette somme, finalement débloquée après un an et demi de négociations, prendra la forme d’un don de 200 millions de dollars provenant de l’Association internationale pour le développement et d’un prêt (à faible taux d’intérêts) accordé par la Banque internationale pour le développement.
Le « Centre de connaissance du Gange », en cours de création, aura notamment pour mission de veiller au bon avancement des travaux.
Laurie Mathy