Demain, mercredi 11 mai, l’Europe risque de se réveiller bloquée par l’obstruction faite par l’extrême droite finlandaise à la participation d’Helsinki au plan de sauvetage du Portugal. Une étape de plus dans la montée en puissance d’une extrême droite européenne opposée à la construction européenne et qui pourrait bien en bloquer les rouages.
En effet, le parti d’extrême droite finlandais, les « Vrais Finlandais », devenu récemment troisième force politique du pays, est en mesure d’empêcher la Finlande de voter le plan de sauvetage européen pour le Portugal, lors des discussions en Conseil des ministres des finances européens, qui auront lieu le 16 mai. Il bloquerait ainsi la prise de décision qui doit se faire à l’unanimité. Une autre forme de blocage des Vrais Finlandais peut consister en un refus de participer financièrement à ce plan, alors qu’une charge de 8 milliards d’euros était initialement prévue pour la Finlande.
Cet imbroglio symbolise le nouveau poids de l’extrême droite en Europe.
Timo Soini, le Le Pen finlandais
Le 17 avril dernier, l’Europe faisait connaissance avec le parti des Vrais Finlandais, véritable vainqueur de l’élection législative finlandaise. Arrivé en troisième position, ce parti, situé à l’extrême droite du spectre politique finlandais, a en effet obtenu 19% des voix et 39 sièges sur les 200 que compte le Parlement finlandais, ce qui représente une poussée considérable comparé aux 4% récoltés en 2007. Le parti de Timo Soini a ainsi bousculé l’équilibre établi dans un pays où les principales forces sont historiquement les sociaux-démocrates, les conservateurs, et le parti du centre – celui du Premier ministre, Mme Kiviniemi – mis en difficulté par un mauvais score aux élections. A présent, Jyrki Katainen, le chef du parti dominant, le Parti de la Coalition Nationale, qui a perdu des sièges aux dernières élections mais se maintient en tête, est en pleine négociation. A terme, une coalition hétéroclite est envisagée avec les Sociaux Démocrates, et la participation des Vrais Finlandais au gouvernement semble difficile à éviter.
Un des principaux accrocs à la formation d’un tel gouvernement est justement le refus du parti de M. Soini de voter en faveur de la participation de la Finlande au plan de sauvetage de l’Union européenne pour le Portugal, dans un contexte de scepticisme grandissant envers l’euro. Cette exigence était d’ailleurs le fer de lance de la campagne du parti, qui a fait de la dernière élection un véritable référendum contre l’Union européenne, prenant pour devise l’explicite slogan « Les Finlandais d’abord ».
L’avenir du Portugal se joue à Helsinki
Le dénouement de cette débauche d’efforts est imminent : c’est en effet ce mercredi 11 mai que le Parlement finlandais doit voter pour donner – ou non – son autorisation au gouvernement intérimaire, afin de débloquer la contribution finlandaise, et surtout de donner mandat au ministre des Finances finlandais pour approuver le plan de sauvetage européen. Si le « non » l’emporte, c’est le plan dans son ensemble qui sera bloqué car il requiert une unanimité au sein du Conseil européen.
Combinant idées économiques de gauche et nationalisme finnois, les Vrais Finlandais sont farouchement eurosceptiques, contrairement à leurs « alliés » potentiels dans une future coalition. L’enjeu est, pour ce parti, de faire barrage à toute tentative de l’Union européenne pour lever des fonds de sauvetage aux dépens des contribuables finlandais. D’après eux, de telles aides ne devraient en effet pas peser sur les Finlandais, « punis » injustement pour un phénomène dans lequel, selon M. Soini, ils n’ont aucune responsabilité, et qui ne les concernerait donc pas.
Cette « question portugaise » est devenue un symbole, celui d’une mouvance nationaliste et eurosceptique à l’aura grandissante dans un contexte de banalisation du discours populiste en Europe. Qu’elle soit maintenue à l’écart, comme en Suède, ou influente idéologiquement, comme au Danemark, l’extrême droite émerge de plus en plus comme une force politique avec laquelle il faut compter, et ce dans l’Europe entière. Si le Parlement finlandais rejetait le plan d’aide, ce serait pour l’extrême droite une victoire d’une importance considérable. Elle prouverait ainsi qu’elle peut mobiliser dans le but de s’opposer aux partis traditionnels et aux instances européennes.
Plus qu’une simple force de protestation mineure, souvent mise à l’écart du champ décisionnel, l’extrême droite n’a de cesse de montrer qu’elle a désormais les moyens de troubler la bonne marche de l’Union européenne ainsi que sa cohésion. Car même si le plan est finalement adopté, la marge de manœuvre des Vrais Finlandais est, elle, bien réelle, et son euroscepticisme peut potentiellement affecter les décisions du gouvernement finlandais envers l’UE, que le parti soit membre ou non de la coalition à venir. Or, dans un contexte de fortes turbulences pour la zone euro, un tel précédent peut créer des remous dans l’Europe entière et fragiliser un peu plus la confiance déjà vacillante en l’avenir de l’Europe.
Stéphane Pringuet avec Camille Apelbaum
SR : Noémi Carrique