Le 16 avril dernier avait lieu à Lund, en Suède, une soirée étudiante à thème au cours de laquelle était organisée une reproduction de « vente d’esclaves ». Simple plaisanterie au début, l’affaire a fait scandale. L’Association nationale des Afro-Suédois y a vu la manifestation d’un racisme latent, de plus en plus répandu, selon elle, dans la population suédoise.
Réactions contre une sordide « soirée à thème »
Des étudiants au visage noirci, une corde autour du cou, « vendus » au plus offrant : c’est bien une « vente d’esclaves » qu’un groupe de jeunes Suédois s’est amusé à reproduire au cours d’une soirée organisée dans les locaux de la « nation Halland » (organisation étudiante) dans la nuit du 16 avril 2011. La scène, bien que de mauvais goût, aurait pu en rester là. Mais voilà, l’affaire a choqué. Jallow Momodou, de l’Association nationale des Afro-Suédois (Afrosvenskarnas riksförbund) a rapporté l’incident, considérant que les organisations étudiantes auraient dû empêcher une telle manifestation de se produire dans leurs locaux. Le mercredi suivant, M. Momodou découvrait avec stupeur que des affiches avaient été placardées sur les murs de l’université de Malmö, ville proche de Lund où il travaille, le grimant en esclave enchaîné, moquant ainsi son intervention.
Dès lors, plusieurs associations suédoises et européennes luttant contre le racisme ont manifesté leur soutien à M. Momodou et ont exprimé leur indignation. Le réseau européen RED (Institut pour l’égalité des droits et la diversité) a en particulier souligné sa profonde inquiétude envers ces « incidents racistes assimilant les Noirs à des esclaves ». Le Réseau européen contre le racisme (ENAR) a adressé une lettre ouverte à la ministre suédoise en charge des affaires européennes, Birgitta Ohlsson, demandant au gouvernement de prendre des mesures. A son tour, l’Américain Jesse Jackson, militant pour les droits civiques des Afro-Américains, a interféré dans le même sens.
Le gouvernement suédois, quant à lui, a condamné les incidents, tandis que l’université de Lund a décidé de mettre en place un cours spécifique pour la rentrée prochaine. Il s’agira de réapprendre aux étudiants les valeurs de leur université et à les inciter à ne pas prendre le racisme à la légère.
Un sentiment raciste latent au sein de la population suédoise
Alors que les événements de Lund et Malmö ont été vus par leurs auteurs comme une simple plaisanterie, la réaction prompte de militants contre le racisme a visé à mettre le problème du racisme en Suède au cœur du débat. Cet événement est l’occasion d’exprimer le ras-le-bol de certaines communautés, en particulier noires et musulmanes, contre des attitudes dégradantes et quotidiennes. Malmö, grande ville du sud de la Suède, est connue pour abriter plus de 30% d’immigrants. Dans un pays prônant le multiculturalisme depuis des décennies et accueillant toujours plus d’étrangers, le communautarisme commence à éveiller des craintes et le racisme trouve de plus en plus de fondements pour se développer.
Dans ce contexte, c’est un appel à la vigilance qui a été lancé suite à cette affaire. Le journal The Local rapporte que les associations afro-suédoises ont saisi l’opportunité de pointer du doigt l’absence de préoccupation envers la communauté noire en Suède. En effet, les Suédois se mobilisent surtout contre l’islamophobie ou l’antisémitisme, sensibles dans le succès du parti d’extrême droite des Démocrates suédois aux élections législatives de 2010. L’objectif des associations a été de montrer que de tels comportements potentiellement choquants pour la communauté noire de Suède peuvent se produire partout, y compris au sein d’une des universités les plus réputées de Suède. En mettant en valeur la possibilité d’un manque de considération envers les personnes d’origine africaine, elles espèrent pouvoir mieux sensibiliser les Suédois au fait que le racisme peut survenir dans leur pays.
Stéphane Pringuet
SR : Camille Dumas et Noémi Carrique