A peine 30 % de l’ensemble des dons à destination des victimes du tremblement de terre et du tsunami du 11 mars sont parvenus aux victimes des trois préfectures les plus meurtries : Iwate, Miyagi et Fukushima. Cette information révélée par le quotidien japonais Yomiuri Shimbuni a suscité l’incompréhension dans un pays qui se perçoit comme efficace et bien organisé face aux crises, même les plus sévères.
Une situation contrastée
Un manque de bras pour mener des actions dans les zones sinistrées, couplé à des procédures administratives complexes pour le transfert des fonds sont à l’origine du problème. La préfecture de Fukushima, où se trouve la centrale nucléaire captant l’attention du monde entier, est plutôt mieux lotie : elle a déjà reçue 67 % du montant de l’aide promise. Les habitants des zones touchées ont même commencé à toucher les premières aides financière pour la réparation. Mais la situation n’est plus du tout la même dans les deux autres préfectures. Iwate n’a ainsi reçu que 8,6 millions d’euros des 125 millions de dons annoncés. Pire encore, Miyagi, la préfecture de très loin la plus touchée humainement, n’a reçue que 16,4 millions d’euros, alors que la somme des dons recueillis était de… 349,2 millions !
Toujours selon le Yomiuri Shimbun, les fonctionnaires sur place se plaignent d’un manque de moyens humains alloués pour contrôler la répartition efficace des dons. Un fonctionnaire de la préfecture d’Iwate déclare ainsi : « les municipalités n’ont pas assez de personnel pour faire face à la situation. Nous leur avons envoyé des agents en renfort, mais ils ne peuvent toujours pas traiter rapidement les montagnes de travail qui les attendent. Il faut remplir des milliers de formulaires pour recevoir des dons et effectuer les transferts sur les comptes bancaires des personnes sinistrées. »
Une administration sinistrée
Une situation aux origines parfois tragiques : l’aide est en effet traitée directement par les municipalités dont, une partie du personnel est parfois décédée pendant le tsunami… Dans la petite ville de Rikuzen-Takata (Iwate, 25 000 habitants), 300 personnes sont mortes au cours de la catastrophe qui a ravagé la ville. Le personnel de mairie, réduit soit par les décès, soit par le départ de ses fonctionnaires dans des camps de logements provisoires, n’a pu commencer que le 16 mai, deux mois après le drame, l’étude des dossiers d’indemnisation. La tristement célèbre Minami-Sanriku (Miyagi, 17 000 habitants), qui a été rayé de la carte et qui a vu 10 000 de ses habitants périr sous la vague meurtrière, devrait prochainement commencer aussi ce travail. Mais la ville fantôme se heurte à un autre problème de poids : le tsunami, qui a balayé tous les édifices publics, a emporté la totalité des registres d’état-civil. Les habitants du secteur ne peuvent donc plus justifier de leur existence administrative, ce qui complique tout. En effet, la perte de ces documents va rallonger les procédures de prise en charge, dans les endroits qui, paradoxalement, en ont besoin le plus rapidement. Selon les derniers bilans, toujours provisoires, la catastrophe du 11 mars 2011 a tué 15 000 personnes, auxquels se rajoutent les 10 000 disparus. 100 000 Japonais vivent toujours dans des abris provisoires, en attente de retrouver un toit.
Damien Durand
SR : Noémi Carrique et Camille Dumas