L’Espagne, le Canada, l’Argentine : la France rejoindra-t-elle la liste des pays qui autorisent le mariage entre personnes du même sexe ? Christophe Girard, Maire adjoint à la culture de la Ville de Paris et défenseur de l’égalité des droits, nous répond.
La France est à la traîne au niveau de l’égalité des droits des LGBT*. Comment expliquez-vous que l’Espagne, récemment démocratique et toujours catholique, ait accepté le mariage entre personnes de même sexe et que la France y résiste encore ?
C’est l’histoire de François Mitterrand et de l’abolition de la peine de mort. Soit les hommes politiques, les femmes politiques, les responsables politiques, ont une vision et un courage, et affrontent l’opinion publique, c’est-à-dire vont défendre leurs convictions, soit ils pensent, comme disait Raymond Barre à une époque, que « la société française n’est pas prête ». Si on pense ainsi, je pense qu’on est un homme politique du consensus, et pas du progrès. Si l’on a une vision de la société, on devance ce qui nous semble être, dans nos convictions, un progrès. En l’occurrence, je n’ai pas oublié, lorsque j’étais en 2004 aux côtés de Noël Mamère pour célébrer cette union entre deux hommes, les lazzis, les ricanements, les dénigrements, et ce même à gauche. La société n’a pas à être prête, la société attend, de la part de ses hommes et de ses femmes politiques, qu’ils montrent des chemins, qu’ils donnent à l’intérêt général les moyens d’être protégé, d’être défendu, d’être reconnu. Un seul citoyen laissé sur le bord de la route, c’est une démocratie qui ne fonctionne pas, qui est incomplète. Je suis content qu’on avance, même si je trouve qu’on avance timidement.
Les détracteurs du mariage entre personnes de même sexe estiment que « le PACS est suffisant ». Pour vous, quelles sont les différences entre le PACS et le mariage ?
Pour ma part, je revendique personnellement le droit de ne pas me marier. J’aime avoir le choix. Mais en l’état actuel, la société ne nous laisse pas le choix ! Que tous les citoyens en situation de désir d’union aient les mêmes droits, tel est l’enjeu. Il n’y a pas de différence de sentiments entre deux femmes, un homme et une femme, ou deux hommes. Si les gens s’aiment, c’est la même intensité, c’est le même désir d’être dans la société. Après, on a le choix de se marier ou de ne pas se marier. Ceux qui sont contre le mariage, qu’ils ne se marient pas !
Le mariage est lié à la famille et à la reproduction. Pensez-vous que les normes et les lois du modèle familial traditionnel doivent changer pour s’adapter à ces nouvelles pratiques ?
La réponse est dans votre question. En effet, le modèle a évolué. De fait, les gens n’ont pas attendu qu’il y ait un cadre juridique pour s’inventer leur modèle de vie, leur modèle de famille. Aujourd’hui il existe un certain nombre de familles monoparentales, homoparentales, recomposées. De fait la société s’est ré-organisée. Ce qui compte c’est que les enfants soient aimés, entourés, encadrés, accompagnés, éduqués. C’est là que la solidarité de la société est nécessaire. Or les personnes qui s’aiment et veulent s’unir pour la vie, toutes ces personnes, ont besoin de normes stables et protectrices pour réaliser leur projet de vie, pour elles-mêmes et pour leurs enfants. La revendication de l’égalité des droits s’inscrit dans l’optique d’une société plus solidaire et plus stable.
Quel message auriez-vous à adresser aux députés qui vont voter le 14 juin, dans quelques jours ?
Ne refaites pas l’erreur du PACS, l’erreur de la fermeture. Regardez la société, ouvrez les yeux, regardez autour de vous, vos enfants, vos voisins, vos amis, ils vous demandent d’être capables aujourd’hui d’avoir cette vision-là, pour permettre le progrès et pour permettre l’égalité des droits.
Propos recueillis par Camille Apelbaum
SR : Camille Dumas
* LGBT : Lesbians, Gays, Bi and Trans.