Vous dirigez l’association Sherpa avec Me William Bourdon. Sherpa et Transparency International France ont déposé une plainte, le 9 juin dernier, contre l’ex-président Ben Ali. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre démarche ?
Il y a effectivement une plainte avec constitution de partie civile qui a été déposée. Elle fait écho à celle du 19 janvier. L’enquête préliminaire de la première plainte n’a pas vraiment été très efficace, malheureusement. Etant donné qu’un juge d’instruction dispose de plus de pouvoir qu’un procureur de la République et que l’affaire est complexe et transnationale, cette nouvelle plainte semble être plus adaptée. Elle aura certainement plus de poids. Mais il faudra avant tout que la recevabilité ne soit pas mise en doute, et qu’un juge d’instruction soit désigné. Ceci accélèrera sensiblement l’enquête visant Zine el Abidine Ben Ali et sa famille.
Pensez-vous vraiment que la procédure judiciaire sera efficace pour récupérer les biens détournes par Ben Ali et sa famille ?
Dans les pays où de tels détournements ont lieu, la technocratie locale est complice de ces agissements, ce qui rend les choses naturellement difficiles. Mais le cas tunisien est différent dans la mesure où l’Etat a la volonté de récupérer les biens, et que les pays européens ont manifesté leur volonté d’aider l’Etat tunisien. Ils vont coopérer en bonne intelligence. Il n’y a pas de raison que cela n’aboutisse pas.
Ceci dit, il faut distinguer deux points : la volonté politique et les moyens utilisés. Cette procédure de restitution est complexe et longue, le fait d’établir le caractère illicite des avoirs, suppose de la part de l’Etat tunisien de prouver les infractions commises en Tunisie. Ce n’est pas nécessairement facile, Ben Ali est resté trente ans au pouvoir, les preuves remontent à très loin dans le temps, donc ce n’est pas aisé de remettre la main dessus, mais cela est nécessaire. Il faut également voir que le droit de propriété existe et qu’on ne peut pas restituer des biens sans passer par des voies légales ! Il faut prouver que les avoirs en question sont illicites, qu’ils ont soit été financés, soit été alimentés par des fonds publics volés. Et j’insiste une fois de plus, c’est très difficile !
Comment faut-il interpréter le message de Ben Ali qui, en parlant de ses biens, prétend ne rien posséder ? A quoi joue-t-il selon vous ?
Je ne préfère ne pas répondre a cette question, je peux juste dire que si ce qu’il dit est vrai, il n’a pas à être inquiété. La justice fera son travail et la vérité sera dévoilée. Maintenant, je pense que si une plainte a été déposée, cela ne peut pas être sans fondement.
Propos recueillis par Sophie Alexandra Aïachi