Faiza Majeri est productrice d’émissions de radio en langue française sur RTCI (Radio Tunis Chaine Internationale). Elle anime l’émission-débat hebdomadaire « Plein Cap »qui depuis le 14 Janvier 2011, se penche sur des sujets d’ordre politique et social. Entretien.
Comment les femmes tunisiennes ont-elles participé à la révolution ?
Des femmes de tous bords ont été présentes pendant la révolution, on ne peut pas dire qu’elles n’ont pas été là ! Je pense, aux mères des martyrs qui ont énormément travaillé ! L’Association tunisienne des femmes démocrates a quant à elle, beaucoup souffert sous Ben Ali. Elle a donc été très présente pendant les évènements. Cette mobilisation féminine n’a pas démarré de nulle part ! Les femmes aujourd’hui s’engagent, elles militent, elles vont dans les associations. Elles sont représentatives de la société tunisienne ! On peut vraiment dire qu’elles étaient en première ligne. Je me trouvais dans le sud de la Tunisie pendant une partie de la période révolutionnaire, et je me suis retrouvée face à une situation des plus incroyables. Les policiers étaient en train de charger, c’est à dire de repousser les hommes et c’est une femme qui a avancé pendant que les hommes reculaient, elle, elle a continué à avancer, jusqu’au moment ou tous s’en sont rendus compte ! Tous les hommes l’ont alors rejoins et l’ont acclamés. Ils ont tous continué à avancer ! C’était impressionnant !
En tant que femme, comment comptez-vous contribuer à une meilleure représentation des femmes dans la société ?
J’ai tout au long de ma vie milité pour le droit des femmes et je me suis beaucoup investie à mettre à l’honneur les femmes. Actuellement, je suis en train de préparer un documentaire de 56mn en collaboration avec ma fille concernant les femmes tunisiennes. Cette initiative part d’une photo ( cf. photo titre). Un jour, elle a ouvert son facebook et elle m’a vu en photo, en pleine altercation avec un policier durant la révolution. C’est à partir de cette image qu’on a voulu faire un film, montrer la force de la femme tunisienne et son rôle pendant la révolution.
Que pensez-vous de la parité, du féminisme et de la femme arabe ?
Je pense que la révolution est due autant l’homme que à la femme. Je pense que la femme est plus existante dans le sens où c’est elle qui fait tout dans la vie de tous les jours. Mais je pense également que c’est vraiment a parité égale aujourd’hui. Le féminisme, quant à lui, doit être remis dans son contexte, nous restons des femmes arabes, même si nous avons des féministes, elles sont toujours là pour leur famille ! Il n’y a pas de féminisme a outrance. C’est un féminisme équilibré. Je n’aime pas le mot « féminisme », j’aime être féminine. C’est un mot trop américain, je suis une femme arabe et libre, c’est écrit dans le Coran !
Comment est-ce que la gente féminine se comporte face à ses acquis ?
Il y a maintenant ce que je peux appeler un fossé. Nous voyons, sans être angoissées, les femmes d’un certain âge, qui bougent et se mobilisent, les femmes d’une trentaine d’années également, mais il y a une frange de la génération montante, qui m’inquiète. Je ne parlerai pas d’intégrisme mais d’endoctrinement. Elles semblent pour certaines d’entre elles, renoncer à leur acquis et revenir en arrière. C’est très dangereux ! Heureusement ce n’est pas le cas pour la majorité d’entre elles, mais il ne faut pas occulter ce problème. Il ne faut pas perdre nos acquis, ils sont essentiels, et nous sommes présentes pour en demander plus, ce point qui nous tiens toutes a cœur, toutes générations confondues.
Pensez vous que la montée d’un parti islamique au pouvoir sera réellement dangereux pour les acquis de la femme tunisienne ?
Le parti Ennahda est dangereux. Ils ont eu de gros problème à l’époque de Ben Ali, ils ont payé un très gros tribut. Du temps de Bourguiba déjà, et ensuite sous Ben Ali, ils ont connu l’exil, la prison et la torture… Maintenant, ils s’en sont sorti, certains anciens se sont mis à l’arrière du parti, ils ne sont plus dans le devant de la scène, mais il faut les craindre. S’ils passent aux pouvoir, cela sera une catastrophe pour nous les femmes !
La Tunisie peut-elle être considérée comme un modèle ?
La femme tunisienne est l’exception arabe. Nous sommes un modèle ! Les saoudiennes n’ont même pas le droit de conduire ! Elles sont entrain de courir après cela… Aucune femme arabe ne peut dire qu’elle a les acquis de la femme tunisienne. On s’occupe de nos enfants, on parle, toutes les classes sociales bénéficient du même traitement, et c’est ma fierté ! C’est une grande chance, il faut coûte que coûte ne pas se laisser piétiner.
Propos recueillis par Sophie Alexandra Aïachi