Le 1er octobre a lieu la 10ème Nuit blanche à Paris et Kyoto (Japon).
Depuis 2001, Christophe Girard conduit la politique culturelle de la Ville de Paris. Ancien Directeur général adjoint de la Maison Yves Saint Laurent, militant du mariage et de la parentalité gay et grand amoureux des cultures sans frontière, Christophe Girard a conçu la Nuit blanche. Nous en découvrirons samedi 1er octobre la dixième édition.
Les Nuits blanches, devrait-on dire, puisque l’événement culturel parisien a désormais essaimé dans le monde entier. Entretien avec Christophe Girard sur le rôle de la culture dans la promotion internationale des droits de l’homme et du dialogue entre les peuples.
La culture tient-elle un rôle central dans la politique internationale de la Ville de Paris ?
Bertrand Delanoë, depuis qu’il est Maire de Paris en 2001, a placé la culture et les artistes au cœur de sa politique, aussi bien sur le internationale que sur le chantier des droits de l’homme, le tout dans un ensemble très complémentaire et articulé. Avec l’adjoint au Maire chargé des relations internationales, des affaires européennes et de la francophonie, M. Pierre Schapira, et la Délégation générale aux relations internationales, nous travaillons de façon très complice et cohérente. Quand Bertrand Delanoë signe un accord de partenariat avec une ville, nous prévoyons souvent un volet culturel à nos échanges. Par ailleurs le Maire de Paris défend et promeut les artistes, partout dans le monde.
Par exemple, la culture joue-t-elle un rôle dans le soutien de la Ville de Paris au Printemps arabe ?
Depuis le déclenchement du Printemps arabe, la Ville de Paris s’est fortement mobilisée : le parvis de l’Hôtel de Ville a ainsi accueilli, les 21 et 22 mai 2011, un événement fort de promotion de la Tunisie nouvelle, le « Village du Jasmin ». Vous savez qu’une convention permet d’accueillir des réfugiés tunisiens. Nous soutenons également, depuis de nombreuses années, les Rencontres Chorégraphiques de Carthage dirigées par une femme remarquable, Syhem Belkhodja. Depuis le printemps plusieurs expositions et manifestations culturelles ont eu lieu afin de mettre en avant des artistes arabes exprimant leur révolution.
Paris accueille-t-elle des artistes réfugiés ?
La Cité internationale des Arts, que la Ville de Paris finance largement, accueille des artistes en exil et en demande d’accueil. Quelques exemples : Taslima Nasreen, écrivain du Bangladesh menacée d’une fatwa, que nous avons reçue, Bertrand Delanoë et moi-même. Cette année, la Ville de Paris a réaffirmé son rôle de ville refuge pour les écrivains en signant une convention avec le réseau ICORN. C’est dans ce cadre que le caricaturiste iranien Mana Neyestani est actuellement accueilli en résidence à la Cité internationale des arts, pour un an, avec l’allocation d’une bourse pour développer ses activités.
La 10ème édition de la Nuit blanche se tient le 1er octobre. Est elle devenue un événement international ?
L’idée est partie de ce bureau il y a dix ans. Non seulement une trentaine de villes de la région parisienne et de tout le pays nous ont rejoints mais, désormais, Nuit blanche est une Fête mondiale puisqu’une vingtaine de villes des cinq continents nous ont rejoints. Citons, par exemple, Buenos Aires, Toronto, Singapour, Oran, Bruxelles, Tel Aviv, des villes de Palestine (Gaza, Bethléem, Ramallah, Naplouse et Jérusalem Est) et Kyoto qui organise sa première Nuit blanche le même jour, la même nuit, que nous.
Nuit blanche, c’est aussi une façon de transporter Paris, les droits de l’homme, les cultures, les plasticiens : c’est un passeport international des libertés.
Plusieurs artistes internationaux sont invités ?
Bien entendu ! C’est l’une des vocations de Nuit blanche. Christian Boltanski est certes Français mais c’est un artiste du monde. Je ne citerai que Steve McQueen, Miroslaw Balka , artiste polonais, Antti Laitinen ,qui nous vient de Finlande, Zilvinas Kempinas de Lituanie, Tomas Espina d’Argentine, Karmelo Bermejo qui travaille à Mexico, Sachiko Abe au Japon, et Sigalit Landau en Israël.
Cette année, pour la dixième édition, nous rassemblons également à Paris le 30 septembre les organisateurs de toutes les villes qui organisent les Nuits Blanches pour échanger expérience et perspectives.
Nuit blanche est comme la culture : un passeport pour la liberté, un vecteur plaisant et décâlé de relations internationales et d’échanges.
Quel serait le message de Christophe Girard à l’opinion internationale ?
Mon message concerne Internet : qu’il soit un outil protégé, utilisé comme un moyen de liberté. Dorénavant, Internet a prouvé sa force de libération, même politique, comme on l’a vu dans le monde arabe. Internet doit devenir une liberté fondamentale. Que chacun prenne possession d’Internet. N’ayons pas peur des excès qui essaiment sur la Toile. N’ayons jamais peur de la liberté d’expression. Ne commençons pas par sanctionner les Internautes qui veulent accéder aux œuvres et aux savoirs, mais, au contraire, que cela devienne un outil de démocratie culturelle, à l’instar du projet de Salle immatérielle que je souhaite mettre en œuvre.
La culture va-t-elle être un des clivages déterminants entre les candidats pour les présidentielles 2012 ?
Pour la droite, les artistes ne sont jamais une priorité en soi. Martine Aubry a proposé au Festival d’Avignon d’augmenter sensiblement le budget de la culture, obligeant les candidats aux Primaires à se positionner. Pour moi, la culture doit être une priorité du prochain Président, de la prochaine Présidente de la République française.
Propos recueillis par Michel Taube