Dimanche 9 octobre, les Camerounais se rendront aux urnes pour élire leur nouveau président. En dépit du grand nombre de prétendants, 23 au total, Paul Biya, candidat à sa propre succession et au pouvoir depuis 29 ans est prédit gagnant.
Alors que l’Afrique connaît une vague de démocratisation, le Cameroun semble figé par l’emprise du président sortant. La Cameroun n’a connu que deux présidents depuis son indépendance en 1960 !
Campagne électorale plutôt timide, peu d’inscriptions aux listes électorales (moins de 8 millions pour une population de 20 millions d’habitants), l’élection présidentielle camerounaise du 9 octobre prochain ne suscite pas vraiment l’engouement.
Verrouillée, cette élection n’a guère d’autre finalité aux yeux du régime de Paul Biya que de neutraliser la capacité concurrentielle de l’opposition à produire une alternance démocratique. Elle permettra encore au président – candidat de légitimer son autorité par un vote plébiscitaire.
Et la nouveauté de ce scrutin n’y changera rien : la participation des Camerounais de l’extérieur.
« La loi qui a été votée va permettre au régime de Biya de construire de manière commode une nouvelle stratégie de légitimation. Il est même possible que le régime instrumentalise cette nouvelle loi (…) en usant de techniques de contrôle clientéliste, afin d’être en mesure de capter une part considérable de ce vote à l’extérieur. Ainsi, le régime du Renouveau pourrait s’appuyer sur ces scores à l’étranger pour légitimer internationalement des victoires pourtant usinées par des mécanismes purement administratifs. » Telle est l’analyse de Mathias Owona Nguni, politologue camerounais de renom.
Et si cette fois encore, l’alternance politique semble peu probable, c’est aussi parce que le Cameroun compte une opposition faible, désunie et peu structurée.
Opposition toujours dispersée
Beaucoup trop nombreux, les plus de 250 partis politiques présents au Cameroun évoluent toujours en rang dispersé. L’élection du 9 octobre en est encore la preuve. Pas de coalition mais une pléthore de candidatures, pas moins de 52, déposées à ELECAM (Election Cameroon), l’organisme en charge de la mise en place du scrutin. Un record dans l’histoire électorale du Cameroun, qui en comptait déjà 46 lors des élections de 2004.
Or cette multitude de candidatures ne reflète pas forcément l’expression de la démocratie, mais d’abord la fascination des politiciens camerounais pour une position présidentielle de facture césarienne et de structure monarchique.
Pour Mathias Owona Nguini, du fait de « la structure du jeu électoral formellement ordonnée autour d’une règle d’élection à un tour, beaucoup de candidats pensent pouvoir jouer leur chance ! Cette pléthore s’explique aussi par les calculs clientélistes et prébendiers de certains candidats essentiellement motivés par la volonté de profiter de l’allocation financière de la campagne électorale compensant largement la recherche des fonds à verser comme caution. »
Sur les 52 postulants à la magistrature suprême, 23 seulement ont vu leur candidature validée. Cette multitude de candidatures profite bien sûr à Paul Biya, que l’appareil politique saura sûrement renommer au pouvoir malgré ces 78 ans.
Pas de suspense
Le 9 octobre prochain, comme lors des précédents scrutins, Paul Biya sera en compétition avec ses principaux challengers que sont John Fru Ndi du Social Democratic Fond, Adamou Ndam Njoya de l’Union démocratique du Cameroun, Garga Aman Adji de l’Alliance pour le Démocratie et le Développement et Jean-Jacques Ekindi du Mouvement progressiste.
Quelques nouveaux venus tentent de s’affirmer comme la très médiatisée Kah Walla du Cameroon People’s Party ou Olivier Bilé de l’Union pour la Fraternité et la Prospérité. On note aussi des combattants de toujours tel que Anicet Ekane du Manidem. Mais pour ce qui est du résultat de cette élection, Paul Biya devrait l’emporter sans surprise.
Election sous haute tension
Ces derniers jours, des incidents se sont multipliés dans certaines villes du pays. Notamment à Douala, capitale économique du Cameroun, historiquement épicentre de la contestation politique. Jeudi 29 septembre, une fusillade a eu lieu sur le pont du Wouri. Fusillade menée par des hommes armés en tenue militaire, moins d’une dizaine selon des témoins. Les assaillants qui ont semé la panique pendant quelques heures portaient des banderoles avec des messages hostiles au président Biya.
Chose curieuse, l’attaque a été revendiquée par Bertin Bisob, 36 ans, candidat malheureux à la candidature pour la présidentielle du 9 octobre. Il affirme être à la tête d’un groupe baptisé Armée de Libération pour le peuple camerounais.
Ce même jour une grenade a été retrouvée à la représentation d’Election Cameroon à Limbé dans le sud-ouest du pays. Des incidents qui ont mobilisé des services de sécurité tel que le bataillon d’intervention rapide (BIR), unité d’élite de l’armée camerounaise.
Pour l’élection, la sécurité a été renforcée. Police, gendarmerie et armée sont sur le pied de guerre.
Caroline Sapouma