Macao ne semble pas vouloir tuer sa poule aux œufs d’or : le jeu !
Son ministre des Finances, Francis Tam Pak Yuen, vient de déclarer qu’entre 2013 et 2023, 2 000 nouvelles tables de jeu viendraient s’ajouter aux 5 000 déjà existantes sur les 30km2 de ce minuscule territoire chinois.
Le gouvernement de la Région administrative spéciale(1) a, dans le même temps, annoncé qu’il renforcerait son contrôle sur l’activité qui représente 50 % du PIB national. Le but : « assurer le développement modéré » d’un secteur affichant une croissance à deux chiffres, grâce à la clientèle chinoise du continent, chez qui le jeu est prohibé.
Seul le jeu compte !
Les dirigeants de Macao ne semblent pas vouloir réétudier leurs priorités économiques et continuent de privilégier la mono-économie du jeu et, par extension, celle du tourisme.
« C’est un fait indéniable : le développement de l’industrie du jeu a bénéficié à l’ensemble de la société. » avance même Francis Tam Pak Yuen, avant de mettre en garde : « Si le secteur ne peut plus croître, c’est l’avenir économique de Macao qui sera compromis. Nous devons donc trouver la place pour la future expansion de l’industrie du jeu(2). »
La place… une gageure constante sur un territoire à peine plus grand que la ville d’Aurillac avec une population de presque 550 000 habitants, soit une densité de… 18 300 habitants/km2 ! Une étroitesse qui, ajoutée à la suractivité économique et à l’incessant va-et-vient des « touristes du jeu », crée un cocktail environnemental explosif. Pourtant, la pollution constante et préoccupante de l’air ne semble guère émouvoir les autorités.
Le pari gagnant du secteur
Macao doit en effet tout au jeu, légalisé au milieu du XIXe siècle. Le minuscule territoire de l’ancien empire portugais, rétrocédé à la Chine en 1999, a longtemps joui de ses prérogatives en Asie. Pressentant l’évolution de cette situation privilégiée –d’autres États (Singapour notamment) légalisant le jeu pour attirer la clientèle chinoise– le gouvernement de Macao a mis en place une politique d’ouverture sous contrôle du marché.
Initialement monopole d’État, le jeu a été ouvert en 2002 aux opérateurs étrangers. Moyennant l’achat d’une licence –avec obligation d’engagement sur 20 ans (de 2002 à 2022)– 6 groupes privés se sont engouffrés dans la brèche. Ils gèrent aujourd’hui la trentaine de casinos du territoire. Ce à quoi il faut rajouter les lucratifs marchés des courses de chevaux et de lévriers.
L’ouverture du secteur a eu rapidement les effets escomptés. En 2007, Macao est devenu le 1er marché mondial du jeu d’argent, dépassant Las Vegas. Un symbole fort venait de tomber et l’ascension ne devrait pas s’arrêter là. D’ici 2015, le cabinet d’audit PriceWaterhouseCoopers prévoit une augmentation du marché de 20 % par an, soit plus du double de la croissance mondiale dans ce secteur. A terme, le jeu devrait générer, à Macao, un chiffre d’affaires annuel de presque 65 milliards de dollars.
Joueurs en classe express
Le tourisme, quant à lui, continue son expansion ininterrompue. Cette année encore, le minuscule territoire a accueilli pas moins de 30 millions de visiteurs (soit autant que la Turquie) qui ne sont restés le plus souvent… qu’un seul jour ! En fait, le temps de faire l’aller-retour avec le continent dans l’un des ferrys reliant continuellement les deux rives. Un phénomène à la fois gigantesque et très local : Chinois, Taïwanais et Hongkongais représentent en effet 90 % des visiteurs.
La preuve que certains pays d’Asie peuvent être dominants dans un secteur, sans recourir à l’exportation, mais juste en se basant sur la démographie et la hausse conséquente du niveau de vie.
Le succès de Macao est révélateur de la suprématie économique : il n’est que le corollaire de l’émergence d’une classe moyenne avide de loisirs et d’ouverture, que l’ancienne colonie portugaise a su capter. L’environnement, lui, peut bien attendre…
Damien Durand
(1) Le statut de « Région administrative spéciale » a été accordé à Hong-Kong et à Macao. Il leur permet de conserver un exécutif et une relative autonomie dans la gestion de leurs affaires internes
(2) Rapporté par le « Macau News »