-
Retrouvez tout au long du week-end nos articles, interviews et reportages d’Emma Ghariani en direct des commémorations de la première année de la Révolution de Jasmin.
L’édito de Michel Taube, fondateur d’Opinion Internationale
De tous les pays qui ont été bouleversés en 2011 par le Printemps arabe —et le vent de liberté qui souffle dans cette région du monde— et bien au-delà !, la Tunisie est aujourd’hui le seul qui ait réussi sa Révolution ! D’autres n’ont connu que des réformes, comme le Maroc, ou sont encore plongés dans une transition violente et l’emprise de l’armée qui laissent planer trop d’incertitudes sur l’avenir, comme en Egypte.
Il aura fallu moins d’un an à la Tunisie pour changer de régime et faire confirmer, dans les urnes, par le peuple le choix d’une voie démocratique, grâce au succès des élections de la Constituante du 23 octobre.
Un homme incarne plus que d’autres, selon nous, la Révolution : Kamel Jendoubi, défenseur historique des droits de l’Homme et principal artisan de ce moment décisif de cette transition qu’ont été ces élections.
En cet anniversaire de la Révolution, saluons la Tunisie libre et démocratique et bravo au peuple tunisien qui a donné au monde une leçon de liberté ! OI – Opinion internationale a couvert cette année exceptionnelle : nous vous proposons un dossier plein de symboles et de vivre ce week-end au cœur de Tunis avec notre reporter Emma Ghariani.
Alors, certes, tout reste à faire : relancer l’économie, développer la société civile et la vie culturelle et associative du pays, adopter une Constitution et réguler la vie politique…
Le pouvoir est aujourd’hui dominé par les Islamistes d’Ennahda. Nous l’avions écrit il y a presque un an : les Tunisiens choisiront la liberté dans l’ordre et l’Islam en constituera, au début, la valeur refuge contre l’anarchie et l’inconnu. C’est ce qui s’est passé dans les urnes le 23 octobre.
Nous n’avons pas peur des Islamistes même si nous sommes convaincus que des libertés précises reculeront nécessairement sous l’inspiration religieuse, quelle qu’elle soit. Nous posons la question aux Constituants : abolirez-vous la peine de mort dans la prochaine Constitution du pays ? Garantirez-vous la liberté de la presse et d’expression ? Inscrirez-vous dans la Constitution le Code du statut personnel promulgué par Bourguiba et qui protège les droits des Tunisiennes, comme le revendiquait une femme voilée dans une manifestation (cf. le photo-reportage) ?
Nous regrettons que les élus islamistes ne puissent s’exprimer librement sans être contrôlés par les caciques du mouvement et qu’une forme d’auto-censure s’installe dans les têtes de nombreux dirigeants.
Mais nous voulons en même temps dialoguer et accompagner cette transition démocratique en prenant en compte la dimension musulmane incontournable qui façonne la société tunisienne.
L’Europe et l’Occident ont mis des siècles à combiner tradition religieuse et modernité libérale et sociale. La Tunisie saura, plus vite que d’autres, forger sa propre synthèse.
En ces jours d’anniversaire, l’on retiendra surtout que les trois têtes de l’Etat appartiennent à des courants différents, dans ce qui préfigure un savant équilibre des pouvoirs et des contre-pouvoirs entre des courants politiques divergents : que le président, Moncef Marzouki, soit un ancien communiste, avec un président de l’Assemblée constituante socialiste et un premier Ministre conservateur et religieux, qui ferait mieux en terme de partage des rôles ?
Nous pensons vraiment que la société politique tunisienne génèrera ses contre-pouvoirs internes, de sorte que l’on voit mal à terme une seule force politique monopoliser et confisquer la vie politique du pays.
Aujourd’hui, « la Liberté, l’Egalité et la Fraternité » pourraient former la devise de la Tunisie ! Gageons que l’année 2012 sera celle qui donnera de l’espoir à ceux qui ont fait la Révolution : les jeunes Tunisiens.