Le Japon découvre presque chaque jour une nouvelle conséquence de l’accident nucléaire de Fukushima. Hier, la presse de l’archipel a révélé une affaire particulièrement compromettante pour les autorités : un immeuble résidentiel de la ville de Nihonmatsu, dans préfecture de Fukushima, a présenté des traces de radioactivité dans ses murs.
Après enquête, il apparaît que les irradiations proviennent du gravier ayant servi à la construction, matériau qui aurait depuis été acheminé à 200 entreprises du bâtiment, dans tout le Nord-est du Japon. Cruelle ironie : une partie de ce gravier a servi à la construction des logements temporaires pour les victimes du tsunami et les évacués de la zone interdite à Fukushima, suite à l’accident nucléaire.
Le laxisme des autorités
L’enquête a démontré que le stock de gravier incriminé se trouvait à Namie, une ville proche du réacteur nucléaire Dai-ichi à Fukushima. Entre le début de l’accident, le 11 mars et le bouclage de la zone interdite, le 22 avril, 5 200 tonnes de gravier irradié ont été distribuées dans la région. Le 16 janvier, le gouvernement de la préfecture de Fukushima a annoncé une aide d’urgence pour reloger les résidents de l’immeuble radioactif. Parallèlement, une campagne de recensement de tous les bâtiments construits avec le gravier contaminé a été lancée. Les résultats, très attendus, promettent d’être gênants pour le gouvernement chargé de la sécurisation de la zone suite aux fuites radioactives.
Après la catastrophe nucléaire, des consignes avait été données par les autorités concernant le traitement des débris et matériaux présumés irradiés, mais le gravier avait mystérieusement échappé à ces mesures de précaution. Le ministre de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie de l’époque, Banri Kaieda, avait visité la région sinistrée, à proximité de la centrale, en mai 2011 et avait alors déclaré que « les entreprises ont été évacuées et qu’il n’y a donc pas de transferts de marchandises en provenance de la zone ». Aucune mesure de contrôle strict n’avait été donc prise pour enrayer une éventuelle fuite.
L’opinion publique excédée par les scandales à répétition
La ligne téléphonique d’informations de la préfecture de Fukushima, mise en place pour répondre aux questions des riverains, est débordée d’appels d’habitants en colère. Ils dénoncent la lenteur du gouvernement et la mollesse de sa réponse face au problème.
L’affaire étant parue lundi dans la presse, la réaction de l’opinion publique dans le reste du Japon est encore mesurée. Mais les thématiques liées à la contamination de biens en provenance du Nord-est de l’archipel n’a jamais été aussi forte dans le pays, après que l’on ait trouvé des traces de radioactivité dans plusieurs produits alimentaires, fruits de mers ou nourriture pour animaux produits dans la région.
Une peur collective qui alimente la défiance des Japonais vis-à-vis des autorités et des grandes entreprises, accusées d’être complaisantes avec le principe de précaution et de ne pas appliquer des contrôles totalement drastiques sur ce qui sort de la zone sinistrée.
Pour Hideo Yamazaki, professeur à l’université Kinki (Osaka) et spécialiste de la radioactivité, l’Etat japonais est le seul responsable. « Il y a eu exactement le même problème précédemment avec de la paille irradiée. Dans le cas du gravier : la carrière est située dans la zone d’irradiation. Ce qui s’est passé est une chose que l’Etat aurait pu prévoir. Il est désolant de constater que le gouvernement ne contrôle pas l’ensemble des mouvements de matériaux, dont le gravier en l’occurrence. Mais je suis surtout gêné pour les producteurs de gravier : il était impossible pour eux de constater une quelconque contamination de leur production. Ce n’est donc pas juste qu’ils soient aujourd’hui mis en cause. Les actions du gouvernement ont juste été inadaptées et, aujourd’hui, ce sont tous les riverains qui en paient le prix. »1
Damien Durand
1. rapporté par le « Mainichi Shimbun »