International
10H41 - mardi 24 janvier 2012

Entretien avec Johnny Vianney Bissakonou, une voix libre de Centrafrique

 

La République centrafricaine (RCA) connaît les taux de mortalité parmi les plus élevés d’Afrique. La crise humanitaire est chronique et les ONG tirent régulièrement la sonnette d’alarme. Depuis plusieurs années, Johnny, le blogueur de Bangui, se fait porte-voix des Centrafricains. Selon lui, il ne faut pas se tromper sur les causes premières des problèmes du pays : ils sont d’abord politiques.

 

OI : Pouvez-vous revenir pour nous sur la situation en République centrafricaine ?

La CPJP et l’UFDR se sont récemment affrontées dans la région de Bria autour de lignes ethniques, pour le contrôle des ressources diamantifères. DR

JVB : En RCA, les éléments de la garde présidentielle commettent régulièrement des exactions à l’encontre des civils. En 2003, le Président de la République a pris le pouvoir par les armes, accompagné par de militaires qui s’estiment intouchables. L’impunité est telle qu’il se sont érigés en véritable semeurs de terreur.

En plus de cela, des factions rebelles, dont la CPJP et l’UFDR, tuent et pillent dans l’arrière-pays. Des rebellions étrangères ont les mêmes agissements. L’Armée de résistance du Seigneur (LRA), chassée d’Ouganda, ne vit que de pillage et de vols.

Elle est soupçonnée de se livrer au trafic de ressources naturelles présentes dans le nord du pays. Quant à la rébellion du chef tchadien Baba Laddé, elle inflige des violences à la population centrafricaine, sans que le gouvernement ne fasse d’efforts pour le déloger.

 

OI : L’ONG MSF déplore la situation en termes de santé. Selon vous, « les militaires tuent plus que tout autre maladie ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

JVB : Selon un rapport de MSF, le taux de mortalité dépasse le sens de l’urgence. C’est vrai que la situation est grave, les gens meurent de maladies telles que le paludisme. Les hôpitaux manquent de soins adaptés et de matériel et les gens n’ont souvent pas les moyens de payer les soins à l’hôpital.

Je pense qu’il faut régler le problème à la racine, c’est-à-dire le pouvoir non partagé et mal acquis. Par exemple, le gouvernement n’a pas réagit lorsque le choléra a été annoncé à nos portes !

Nous avons besoin d’une bonne gouvernance, d’alternance démocratique et d’élections transparentes pour pouvoir avancer sur le chemin du développement et de la démocratie.

Actuellement le pouvoir est illégitime et exercé par la force. Il y a partout des militaires qui  font ce qu’ils veulent et tirent sur n’importe qui. Les gens vivent dans la terreur, beaucoup se réfugient au Tchad.

 

OI : Comment expliquer cette banalisation des violences et bavures policières ?

Les militaires de l'armée centrafricaine tuent les civils en toute impunité. DR

JVB : Ce phénomène s’est installé petit-à-petit. L’ancien président, Ange-Félix Patassé, avait fait appel aux rebelles du MLC (Mouvement de libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba Gombo pour lutter contre les tentatives de coup d’Etat. Ils ont commis beaucoup de violences, tout comme les forces rebelles de François Bozizé. Dès que ce dernier est parvenu au pouvoir, le 15 mars 2003, les militaires sont arrivés à Bangui. Leurs exactions ont été dénoncées, mais sont restées sans suite et leurs auteurs sont toujours gradés.

Aujourd’hui, ceux qui sont au pouvoir se méfient non seulement de l’opposition politique mais également des factions rebelles et des journalistes. Ils pensent que les médias tentent de mener la population à la rébellion.

 

OI : Comment exercez-vous votre métier dans ces conditions ?

JVB : J’ai écrit des articles qui m’ont valu des menaces. J’ai été accusé d’être manipulé pour donner une mauvaise image du pays.

Les journalistes subissent énormément de pressions. Dernièrement, le directeur du quotidien Le Démocrate a été écroué sans procès, sous prétexte qu’il aurait diffamé le ministre des Finances, qui est un cousin du chef de l’Etat.

Sur mon blog, j’ai la chance de pouvoir dire ce que je veux. Je ne suis soumis à aucune ligne éditoriale. Il y a peu de Centrafricains qui ont accès à l’outil informatique et à internet, et les autorités n’ont pas connaissance de ce que je publie.

 

OI : En bloguant, vous avez plus de liberté. Mais ne restreignez-vous pas en même temps votre lectorat ?

Suite au coup d'Etat du 15 mars 2003, le président Boizizé est au pouvoir bien que a réélection en 2005 demeure contestée. DR

JVB : Je ne blogue pas forcément pour être lu par les Centrafricains, mais pour montrer que les choses ne se passent pas comme on essaie de le faire croire au reste du monde. La réalité est catastrophique. L’opposition politique est quasi inexistante. L’Assemblée nationale est unicolore et 3/4  de ceux qui y siègent sont des membres de la famille présidentielle.

 

J’essaie d’être le porte-parole du citoyen lambda, qui ne peut témoigner de ce qu’il vit ici. C’est ma ma pierre à l’édifice d’une société démocratique.

 

OI : Quelles sont, selon vous, les perspectives d’évolution pour la RCA ?

JVB : Je pense que toutes les forces de la nation devraient se retrouver autour d’une table pour discuter des voies et moyens pour aller vers une sortie de crise.

Aujourd’hui, l’opposition politique et le pouvoir en place se regardent en chiens de faïence. Le processus Désarmement, démobilisation et réinsertion ) (DDR) est menacé, parce que l’APRD s’est retiré. Il faut que le pouvoir en place fasse des concessions, qu’il tende la main à l’opposition politique.

Mais si chacun campe sur ses positions, l’issue sera difficile à atteintre. La société civile doit également avoir son mot à dire, car c’est elle qui souffre.

 

propos recueillis par Carine Dréau

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