Le premier meeting commun des Forces du centre démocrate s’est tenu le 22 janvier 2012 à Sfax. Les responsables des partis Afek Tounes, du Parti démocratique progressiste (PDP), du Parti républicain (PR), du Parti pour le progrès et des partis indépendants faisaient front commun dans le Théâtre municipal de la ville. « Nous sommes là pour montrer nos muscles » plaisante un militant à l’entrée du meeting. Dans la salle, accroché au mur, le slogan : « ensemble pour la Tunisie ». Sur scène, point de logos partisans, un seul symbole : le drapeau tunisien. Retour sur image…
Fusionner les petits partis du centre dans un mouvement visant à faire contrepoids à la Troïka au pouvoir, composée du Congrès pour la République de Moncef Marzouki, du parti Ettakatol de Mustapha Ben Jafaar et du parti islamiste Ennahdha, est devenu une nécessité. Il y a une place sur l’échiquier politique pour un centre d’opposition modéré, que la nouvelle formation compte bien occuper.
Se rassembler pour exister politiquement
Comme Maya Jribi, secrétaire générale du PDP l’a souligné : « nous souhaitons créer un grand parti démocrate centriste et progressiste qui garantisse une alternance démocratique » avant de poursuivre, « tous avec le gouvernement, c’est aussi la dictature ». « La troïka ne va pas durer, il s’agit aujourd’hui de préparer la relève pour les prochaines élections » confirme Chokri Yaich, député du parti Afek Tounes, qui réfute néanmoins l’adjectif d’anti-troïka.
Depuis les élections, pour les partis de la coalition centriste démocrate, il s’agit surtout de se rassembler pour se rendre visible. « En tant qu’indépendants nous rejoignons le mouvement pour faire porter notre voix » expliquait alors Salaheddine Zahaf, député élu sur une liste indépendante à Sfax. Vouloir exister dans le paysage politique, phagocyté par les 3 grands partis hégémoniques à l’Assemblée, semble être un des principaux points communs des partis en présence.
Pour Afek Tounes, le PDP (et feu le Pôle démocratique moderniste ou PDM), il s’agit d’effacer les résultats décevants récoltés lors des élections du mois d’octobre et de gommer une image jugée aujourd’hui élitiste et coupée des réalités du peuple.
Le PDP est en effet passé de principal challenger du parti islamiste durant la période de campagne, à la position de 5e force politique du pays avec « seulement » 17 sièges à l’Assemblée. « Le PDM n’a pas décollé et s’est fait hara-kiri tout seul », selon les mots d’un ancien militant, aujourd’hui reconverti au sein du Parti Républicain.
Une course contre la montre
Recoller les morceaux d’un centre démocrate éclaté est donc la tâche que s’est fixée le nouveau « grand parti ». Le rassemblement se fait à marche forcée. « Nous jouons contre la montre » reconnaît un des responsables de l’organisation du meeting.
De fait, le mouvement, dont le congrès de fondation est annoncé pour la mi-mars, présente pour l’instant les symptômes d’un accouchement prématuré. Les moyens de s’assurer une présence sur toute la Tunisie semblent manquer.
Les tractations politiques en cours depuis le mois de décembre peinent en outre à faire émerger une ligne politique commune. Le programme, comme l’appellation même du « grand parti » à venir, sont encore dans les cartons en attendant d’être mis sur la table des négociations, d’où a été expulsé le parti socialiste Ettajdid, ancien membre du Pôle démocratique moderniste.
Les interrogations sur l’absence de programme du parti étaient perceptibles durant le meeting où volaient les remarques criées dans l’assemblée : « que proposez-vous concrètement ? ». « Nous élaborons actuellement un programme pour le congrès. Nous sommes avec ces meetings, dans une phase de sensibilisation des modérés et des indépendants » explique M. Yaich. Si l’on a beaucoup parlé de politique de décentralisation, de l’intérêt de la nation et des racines musulmanes modérées de la Tunisie, il manque visiblement encore un parti au centre du paysage politique.. Celui-ci, en pleine structuration et élaboration d’un programme de fond, pourait être propre à porter un projet de société convainquant, concurrent de celui proposé par le parti islamiste.
A ce jour, on peut se demander si à vouloir grandir trop vite pour exister, sans s’assurer des points de convergences politique, le « grand parti » n’aurait pas pris le risque, lui aussi, d’éclater.
Emma Ghariani