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14H48 - jeudi 9 février 2012

Des carburant pas si « bios »

 

En 2003 l’apparition des biocarburants ou agrocarburants, quelle que soit la dénomination choisie, est une révolution. L’Union européenne puis la France s’emballent pour ce qui devrait être la nouvelle source d’énergie qui pourrait diminuer notre dépendance au pétrole et surtout réduire les impacts sur l’environnement. Presque 10 ans après, qu’en est-il réellement ? De multiples rapports prouvent que la production de cette nouvelle source énergétique est beaucoup moins verte que prévue, alors biocarburant ou gasoil ?

 

En septembre 2011, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) lance un pavé dans la mare, qui s’avère finalement être un raz-de-marée : les carburants d’origine agricole sont dommageables pour le climat et pour la planète.  Voila qui fait grincer des dents lorsque l’on sait que l’Union européenne favorise leur développement depuis 2003, grâce à la directive 2003/30/CE selon laquelle les agrocarburants devaient être incorporés à hauteur de 5,75 % dans l’essence et le gazole d’ici 2010.

 

Quand le bio n’a plus rien de biologique

La déforestation est l'un des conséquences majeures de la culture intensive des palmiers. DR

La déforestation est l'un des conséquences majeures de la culture intensive des palmiers. DR

Le gouvernement français a suivi le pas au travers du plan biocarburant, qui prévoit une incorporation de ces produits dans les carburants à hauteur de 7 % en 2010 et 10 % en 2015.

 

Alors que l’on assiste a une envolée de la consommation, qui passe de 3 mégatonnes d’équivalent pétrole (Mtep) en 2005 à 5,38 Mtep en 2006 (soit une croissance de 79,7 %), le monde commence à étudier de plus près ces nouveaux produits miracles. On compte, à l’heure actuelle, 2 principaux types de biocarburants  : le biodiesel, de loin le plus consommé (71,6 %) et le bioéthanol (16,3 %). Viennent ensuite les autres catégories, nettement moins populaires, telles que l’huile végétale et le biogaz (12,1 %).

En 2011, l’Allemagne est le premier consommateur de biocarburant en Europe avec 2,8 Mtep juste devant la France avec 2,4 Mtep (rapport Biofuels 2011 Eurobserv’er). Seulement voilà, comme le souligne un rapport de l’ADEME (2010), de l’OCDE (table ronde de 2007) et des Nations Unies (2007), lorsque sont plantés des zones entières de matières premières destinées à la fabrication de biocarburants (canne à sucre, palmiers à huile ou soja), c’est au détriment des plantations à usage alimentaire. Ces dernières sont très rarement remplacées, ou quand elles le sont, c’est à la place de millions d’hectares de forêt tropicale.

La déforestation massive en Amérique du sud, pour produire les biocarburants, est l’un des points de contestation majeurs. Elle entraîne chaque année la destruction de centaines de zones riches en matière de biodiversité et occasionne énormément d’émissions de gaz à effet de serre.

La conclusion de l’AEE est donc très claire : les multiples politiques de l’Europe en faveur des agrocarburants pourraient « aboutir à une augmentation des émissions, et donc accélérer le réchauffement planétaire » ou « conduire à plus de faim ». La polémique est d’autant plus grande que des ONG telles que Greenpeace ont depuis bien longtemps mis en lumière les problèmes de changement d’affectation des sols qu’implique une production effrénée de biocarburants.

 

Des changements salutaires

L'Union européenne mène une politique d'encouragement des biocarburants depuis 2003. DR

L'Union européenne mène une politique d'encouragement des biocarburants depuis 2003. DR

Difficile pour l’Union européenne de faire la sourde oreille quand les critiques viennent de ses propres instances.

 

Dès lors, un changement de  législation est décidé. Pour faire des biocarburants des carburants vraiment « bios », ils devront respecter des exigences de durabilité. En effet, si l’emballement du début des années 2000 a vite révélé les effets pervers des agrocarburants, ces derniers conservent un rôle majeur dans la substitution aux carburants fossiles. La maîtrise de la production pourrait tout à fait permettre d’atteindre les objectifs européens d’au moins 10 % d’énergie renouvelable dans les transports d’ici à 2020.

Il a donc été décidé que désormais, les biocarburants ne pourraient plus être produits dans des zones présentant une grande valeur pour la biodiversité (comme c’est le cas des zones protégées) ou celles renfermant des quantités importantes de carbone (telles que les forêts ou les tourbières). Il est également nécessaire que les biocarburants permettent une réelle économie d’émission de gaz à effet de serre par rapport aux énergies fossiles (au moins 35 %).

Dès lors le contrôle du respect de leur durabilité devra être effectué par les Etats membres ou, s’ils le souhaitent, par un mécanisme soumis à l’approbation de la Commission européenne. A noter que pour assurer une véritable qualité environnementale, les biocarburants utilisés au sein de l’Union européenne devront respecter ces critères de durabilité, qu’ils soient issus d’une production locale ou importés.

Sur le plan national, en tant que 4e producteur mondial, la France n’a pas renoncé aux agrocarburants, elle s’est d’ailleurs dotée, depuis septembre 2011, d’un Observateur des biocarburants qui « a vocation à suivre le développement des actions engagées dans ce domaine pour atteindre l’objectif fixé » (10 % en 2015). Lorsque l’on prend conscience des atouts environnementaux que peuvent être les biocarburants lorsqu’ils sont correctement produits, il est vraiment dommage que l’Union européenne n’ait pas tenu compte des avis des ONG pour éviter une polémique gênante pour tout le monde.

Espérons seulement que le scénario ne se répète pas …

 

Laurie Mathy