Selon un rapport de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 1,3 milliards de tonnes de produits alimentaires sont perdus ou gaspillés chaque année dans le monde. Qu’il s’agisse des pays développés du Nord ou en voie de développement au Sud, aucun Etat n’échappe au phénomène dont l’ampleur, déjà considérable, s’accroît depuis quelques années.
De manière générale, il existe trois types de déchets : les déchets évitables jetés, mais encore comestibles ; les déchets potentiellement évitables, mais qui résultent de l’attitude du consommateur ; enfin les déchets inévitables. Aujourd’hui, 82% du gaspillage mondial provient des deux premières catégories.
Des chiffres colossaux
C’est un fait : l’ensemble des pays de la planète gaspille la nourriture ; 670 millions de tonnes de produits sont jetés pour les pays riches, contre 630 millions pour les régions en développement.
Schématiquement cela représente entre 95 et 115 kg d’aliments gaspillés par consommateur en Europe et en Amérique du Nord, pour 6 à 11 kg pour le consommateur d’Afrique et d’Asie du Sud et du Sud Est.
Mais la grande différence se situe au niveau des causes du gaspillage. Au Nord, c’est l’attitude du consommateur qui est principalement en cause. Le matraquage marketing, pour acheter plus, au travers notamment des offres promotionnelles du type « un acheté = un offert » et la sacro-sainte date de péremption ‑qui oblige à jeter un yaourt pourtant parfaitement comestible‑ sont autant de comportements qui mènent inévitablement au gaspillage. Sans parler de l’accès facilité sinon illimité aux denrées alimentaires, grâce à la profusion de grandes surfaces.
A l’inverse, au Sud, le gaspillage provient de ce que l’on appelle « les pertes post-récolte ». Il s’agit d’un gaspillage subi résultant de défaillances dans le stockage et la transformation des produits, dû à des matériels peu fiables et une main-d’œuvre peu experte.
Résultat, le gaspillage du Nord équivaut à la production alimentaire d’Afrique sub-saharienne et l’ensemble des pertes alimentaires mondiales sont estimées à un tiers de la production au niveau de la planète. Il n’est donc pas étonnant que le rapport de la FAO conclut en affirmant « qu’aujourd’hui il est plus rentable de réduire le gaspillage de nourriture que d’accroître la production agricole pour nourrir une population mondiale croissante ».
A l’heure de la crise alimentaire mondiale, qui plonge 1 milliard de personnes dans la sous-nutrition voire dans la famine, il est évident que le gaspillage est une honte pour notre société. Mais au-delà même de cet état de fait, il pose aussi des problèmes collatéraux, rarement appréhendés par la population.
Les dommages collatéraux
Qui dit gaspillage dit nécessairement déchets. Si on prend ne serait-ce que l’exemple de la France, 20 kg de denrées jetées (7 % non consommées encore emballées, 13 % de restes) par personne et par an pour une population d’environ 66 millions d’habitants, c’est 1,2 millions de tonnes de déchets à traiter chaque année. On comprend donc mieux que l’Union européenne fasse de la réduction des déchets l’une de ses priorités d’ici 2013. De la même manière, la production agricole représente 20 % des émissions quotidiennes de gaz à effet de serre en France. La production alimentaire implique irrigation, transport, conditionnement, stockage, donc un ensemble de processus qui ont un impact direct et nocif pour l’environnement, à l’échelle mondiale.
En résumé, jeter un tiers de la production mondiale c’est accepter qu’un tiers de la pollution produite sur notre planète, le soit pour rien. Enfin, il faut savoir que 1 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire un 1 kg de farine, dès lors jeter une baguette rassie c’est vider l’eau d’une baignoire. C’est cher payé à l’heure de la guerre de « l’or bleu » et de la famine. Face à cette situation, il est temps d’investir dans des infrastructures de qualité dans les pays en développement et mettre en place des politiques de sensibilisation des consommateurs dans les pays de surconsommation.
Laurie Mathy