Face au massacre incessant des requins pour produire la fameuse soupe d’ailerons, dont la consommation grandissante inquiète, de plus en plus de voix s’élèvent pour tenter d’endiguer le phénomène et rompre avec l’inefficacité des campagnes militaires passées.
La soupe aux ailerons de requin est un met raffiné traditionnel pour les Chinois qui en sont les principaux consommateurs. Bien que longtemps considéré comme trop coûteux pour la population, le développement économique de la Chine et donc l’accroissement des richesses, a provoqué une envolée du marché de l’aileron de requin.
Le poids des traditions
De critique, la situation est devenue dramatique, avec près de 38 millions d’animaux tués chaque année et 11 espèces sur 21 menacées d’extinction. La tuerie s’accompagne en plus d’un jeu de massacre, puisque la méthode utilisée, appelée « finning », consiste à couper les nageoires dorsales, caudales et pectorales du requin encore vivant et de le rejeter à la mer où, incapable de se mouvoir, il finit par mourir d’une lente asphyxie.
Si, pour autant, la soupe d’aileron présentait une qualité gustative exceptionnelle et incomparable à défaut d’être justifiée, la tuerie pourrait s’expliquer. Malheureusement non, quiconque à goûté cette soupe le dira : son goût est proche du néant. L’aileron n’apporte que de la substance au breuvage, qui est rendu savoureux uniquement grâce au bouillon. Même les Chinois en conviennent. Triste réalité quand on sait que les apports nutritifs ne sont pas meilleurs, un aileron étant a peu près aussi nourrissant que du vermicelle de soja.
Il est grand temps d’agir
La vérité se trouve donc ailleurs : la soupe d’aileron est un plat traditionnel chinois, servi le plus souvent à l’occasion des mariages. Servir ce met à trois cent convives est un signe de richesse et de respect. Dès lors, très peu de familles chinoises se passent de cet ingrédient dans l’organisation de grands banquets. Paradoxe supplémentaire, la jeunesse chinoise ne connaît pas l’histoire de cette coutume très ancienne et ne présente la soupe que « parce que ça fait bien ».
Jusqu’ici les multiples campagnes militantes visant à dénoncer et faire reculer le marché de l’aileron de requin ont toutes échouées. Les raisons sont rapidement devenue évidentes : les asiatiques ne veulent pas qu’on leur fasse la leçon et encore moins la recevoir d’Occidentaux qui ne partagent ni ne comprennent leurs coutumes. A priori, les Français n’arrêteront pas de manger du foie gras sous prétexte que gaver des oies choque la morale des étrangers.
Autre problème, en Chine, le requin est très largement perçu comme un prédateur capable d’attaquer les hommes ou même comme un poisson parmi tant d’autres qui pullulent dans nos océans. Ainsi, de nouvelles campagnes de lutte écologistes sont apparues. Elles revêtent désormais un visage chinois pour ne pas être perçues comme des attaques extérieures. Elles expliquent l’importance dans la chaîne écologique de cet animal apparu sur Terre il y a quelques 450 millions d’années ainsi que la nécessité de sa présence (et donc sa conservation) dans le milieu marin.
Des résultats déjà probants
C’est le cas notamment des initiatives de Shark Trust, association canadienne, de l’association new yorkaise Shark Savers, mais aussi de Stopcharkfinning.com en Australie. L’ampleur du marché a fait s’élever de plus en plus de voix à travers le monde pour défendre les requins. L’une des plus importantes reste WildAid, association américaine de défense des animaux dont les campagnes de lutte et les pressions incessantes ont conduit à l’interdiction de la vente et de la distribution d’ailerons dans les Etats de Washington, Oregon, Hawai et de l’île de Guam dans le Pacifique.
WildAid fait d’ailleurs aussi entendre son message directement en Chine grâce au soutien de stars internationales chinoises telles que l’acteur Jackie Chan, le basketteur Yao Ming ou les acteurs Michelle Yeoh et Tony Leung. Ces pressions conjuguées semblent porter leurs fruits puisque depuis le début de l’année 2012 les distributeurs Cold Storage, Fairprice et Carrefour ainsi que les 72 palaces de la chaine hôtelière Shangri-la ont cessé de proposer de la soupe aux ailerons de requins.
De la même manière, une prise de conscience est née à Taïwan. En effet l’Etat vient d’interdire le « shark finning » dans une loi publiée le 1er février 2012. Goutte d’eau dans une mer de sang, diront certains, mais il faut bien commencer quelque part.
Laurie Mathy