Depuis le 7 mars, et jusqu’au 8 juillet 2012, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme propose une immersion dans le monde juif oriental entre 1832 et 1929, à travers ses représentations artistiques les plus intimes.
L’onirisme baudelairien aurait pu prêter ses vers les plus nobles aux pérégrinations pittoresques offertes par les rencontres des communautés juives Sud méditerranéenne. Ainsi, le luxe tiendrait dans l’apparat festif des étoffes chatoyantes d’un henné traditionnel marocain. Le calme se traduirait par un joueur de oud qui, au centre de la toile, rappelle les mélodies judéo-arabes empreintes de foi et de nostalgie.
La volupté serait sans doute représentée par cette femme qui, la main caressant le ciel, incarnerait toute la sensualité de cet Orient encore si mystérieux. Nous sommes le 21 février 1832 et Eugène Delacroix assiste à un mariage Tangérois qui lui inspirera, quelques années plus tard, sa fameuse « Noce Juive au Maroc ». Cette œuvre majeure aura un impact fondamental dans la visite, quelques années plus tard, de Théodore Chassériau, qui se rendra en Algérie suite à l’invitation du Consul de Constantine. L’influence féminine sur son œuvre, déjà évoqué dans sa représentation de la reine Esther se parant pour être présentée au roi Assuérus, prend ici les traits de deux femmes conversant en tenue traditionnelle constantinoise (Juives d’Alger au balcon, 1849).
Si je t’oublie Jérusalem…
Par delà les rives du Maghreb, le périple en Terre Sainte incarne une quête introspective de l’Occident vers ses racines mystiques. Les vues de Jérusalem de peintres tels que David Roberts ou Thomas Seddon, traduisent ces recherches, ainsi que La porte du Mont du temple à Jérusalem de Gustav Bauernfeind (1886). Dans un contexte, où est échu à la peinture la mission d’écrire l’histoire nationale, l’œuvre de quelques artistes juifs européens s’inscrit aussi dans une problématique identitaire. Ainsi pourra-t-on lire le thème de l’exil à Babylone réinterprété comme une matrice emblématique de l’histoire de la dispersion juive, pour Eduard Bendemann ou Henri-Léopold Lévy.
L’affirmation de l’art sioniste
En parallèle de ces découvertes romantiques d’un nouveau monde juif, se développe en Europe une affirmation de plus en plus marquée d’un nouvel antisémitisme. Fils des haines antijuives ancestrales, cette nouvelle réalité politique allait, quelques années plus tard, conduire aux heures les plus sombres du vieux continent. Ainsi, tandis que les premiers pogroms contre les Juifs ashkénazes d’Europe centrale naissent à Kiev, Varsovie ou encore Kichinev, le français Edouard Drumont, fondateur de la Ligue nationale antisémitique, appelle à l’abrogation du décret Crémieux, qui avait accordé aux israélites la citoyenneté. Face à cette nouvelle réalité, le projet d’Etat Juif en Palestine de Théodore Herzl inspire de nombreux artistes. La volonté de se réapproprier une identité orientale propre, en s’éloignant des carcans européens, s’illustrera particulièrement au sein de la nouvelle école des Beaux-Arts de Bezalel, fondée en 1906, chez des artistes tels que Nahum Gutman, chantre de Tel Aviv et pionnier de l’art moderne du nouvel état à naître.
Aurel Barry
Pour en savoir plus : http://www.mahj.org/fr/3_expositions/expo-Juifs-dans-l-orientalisme.php