La rébellion touarègue, qui s’était tue depuis l’accord de 2009, a ressurgi il y a un peu plus de deux mois, unifiée sous le Mouvement national de libération de l’Azawad. Depuis, le Mali s’enfonce dans l’instabilité alors que la situation se complexifie et le déroulement des prochaines élections en avril s’en trouve remis en cause.
Depuis 16 janvier 2012, les rebelles touarègues ont repris leur combat pour l’indépendance, lançant l’offensive sur les campements militaires de Menaka, Adaramboukare et Tessalit. Depuis, les attaques se sont mutlipliées, mettant les rebelles aux prises avec l’armée malienne.
Un conflit cyclique
Les revendications touarègues, récurrentes au Mali, refont surface sur un mode plus «musclé ». Les forces du Mouvement national de l’Azawad (MNA) se sont unies à celles du Mouvement touareg du Nord-Mali (MTNM) pour fonder le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Celui-ci réclame fermement l’indépendance de l’Azawad, région au nord du pays majoritairement touarègue. La prolifération d’armes, liée au conflit libyen, a bénéficié aux rebelles qui ont pour certains servi dans l’armée de Khadhafi. Certains militaires libyens pro-Khadhafi, aujourd’hui réfugiés dans le nord du Mali, auraient également rejoint leurs rangs.
Les rebellions touarègues, cycliques depuis l’indépendance du Mali, ont secoué le pays en 1963, 1992 et 2006. La création de l’Etat nation au moment de l’indépendance à été vécue comme une « recolonisation » par une population dont le nomadisme a été entravé par la rigidité des frontières étatiques. De plus, dans sa construction nationale, les présidents maliens ont marginalisé les langues et cultures minoritaires. A cela s’ajoutent des difficultés économiques récurrentes, accentuées par la sécheresse mais aussi par le désintérêt de l’Etat pour la région.
La paix précaire signée à Alger en 2006 avec l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC) et la création en 2009 d’un fond d’investissement, de développement et de réinsertion socio-économique des régions du Nord-Mali, n’ont suffit à enrayer les difficultés. Le Nord-Mali toujours marginalisé, est frappé de plein fouet par les effets de la crise économique mondiale et de la famine du Sahel. Les revendications refont surface sur fond de frustration socio-économique.
Une guérilla aux acteurs complexes
La situation sécuritaire du Nord Mali est difficilement lisible. En effet, la région, en raison de son relatif isolement et sa situation frontalière, est le théâtre de toute sortes d’activités souterraines telles que le commerce d’armes ou de drogue, tenus par des groupes para-militaires.
La déstabilisation causée par les actions du MNLA semblent ouvrir à d’autres groupes para-militaires une fenêtre d’opportunité. Ainsi, l‘implication des réseaux d’Al Qaida au Maghreb islamique et de Boko Haram dans les violences actuelles, a été attestée. Cependant on ignore la nature exacte des affiliations entre les 3 groupes armés. Les attaques à Aguelhok, survenues du 18 au 24 janvier 2012, ont été revendiquées par le MNLA.
Selon les conclusions de la Commission spéciale d’enquête, AQMI aurait participé aux combats aux côtés du MNLA. Ce dernier a rejeté toute collaboration avec le groupe terroriste dans une déclaration du 27 janvier, affirmant au contraire vouloir « protèger la population » contre AQMI et constituer un rempart contre le groupe.
Le Mali dans l’impasse ?
Le Nord du Mali est confronté à « la pire crise des droits humains » depuis 20 ans, selon l’ONG Amnesty international. L’ensemble de la population malienne paie actuellement le prix de ces violences. Les tensions s’accentuent au point de faire redouter une guerre civile. La crise alimentaire sévit, alors que les efforts du gouvernement sont tournés vers la résolution du conflit militaire.
Les exactions attribuées au MNLA contribuent à discréditer leur cause. Pire, elles attisent le ressentiment des Maliens à l’encontre des civils de la communauté touarègu1e.
Depuis les attaques d’Agulholk qui ont causé la mort de plus de 80 militaires maliens, les frustrations se sont accentuées. A Kati, le 1er février 2012, les mères, filles et épouses de soldats ont lancé des émeutes et ont attaqué les maisons et des commerces touarègues pour venger les morts. Victime de ces violences, l’ex-ministre du tourisme, Zakiyatou Oualett Halatine a fuit le pays. « L’Etat malien ne veut pas de nous » a-t-elle déclaré à La Croix. Le lendemain, des manifestations ont eu lieu à Bamako et à Ségou au cours desquelles les populations à la peau blanche ont été prises pour cible de façon arbitraire.
Des solutions incertaines
Comme Zakiyatou Oualett Halatine, plus de 40 000 personnes ont fui vers les pays voisins. Les autorités maliennes sont dans l’impasse. Le président est accusé de laxisme, les rebelles contrôlant plusieurs villes du pays. Mais l’offensive lancée le 24 février 2012 par l’armée malienne sur un camps de déplacés, non loin de Kidal, a donné lieu a une bavure qui a fait 10 blessés civils et causé la mort d’un enfant de 4 ans.
Obtenir un cessez-le-feu par voie militaire est dangereux. Les risques de dérapage sont grand, étant donné la difficulté de cerner les groupes rebelles. Une solution pacifique avec la mise en œuvre d’un dialogue entre les partis, est soutenue par la communauté internationale et les partis politiques maliens. Encore faut-il que les rebelles acceptent de s’asseoir à la table des négociations. Or le 4 février dernier, seule une partie du mouvement avait accepté de se rendre aux négociations à Alger.
La tenue des élections le 14 avril prochain nécessitera une sortie de crise. Jeudi 23 février 2012, l’Association des médiateurs de l’espace UEMOA a rencontré le président Amadou Toumani Touré pour chercher une résolution définitive. Contre ceux qui proposent de repousser la date des élections et de mettre en place un gouvernement de transition, le président est déterminé à maintenir le calendrier électoral. Certains évoquent l’hypothèse de faire voter les réfugiés et déplacés, comme en Guinée.
Carine Dréau