Depuis quelques temps déjà, la protection de l’environnement se développe au niveau européen plutôt que national et favorise ainsi l’adoption de différents textes par l’Union. Cependant, rares sont les directives européennes qui sont réellement mises en œuvre au niveau étatique, pourtant les conséquences peuvent s’avérer très coûteuses.
L’opacité du fonctionnement de l’Union européenne, la complexité des textes réglementaires, la mauvaises volonté des états jaloux de leurs prérogatives nationales, sont autant de raisons, plus ou moins justifiées, qui peuvent expliquer pourquoi le droit environnemental européen est si peu appliqué par les pays membres.
Le réveil de la Commission européenne
Consciente de cet état de fait, la Commission européenne a décidé de réagir en adoptant une communication relative à l’amélioration de la mise en œuvre du droit de l’environnement au sein de l’UE, le 7 mars 2012. Dans ce document, la Commission rappelle que le droit européen est riche en textes juridiques visant la protection de l’environnement, mais que leur mise en œuvre effective est beaucoup plus problématique.
L’organe européen propose donc d’ »intensifier le dialogue avec les gouvernements et toutes les parties prenantes sur la meilleure manière de collaborer« , ce qui passe par « un renforcement de la collecte de données et l’échange de connaissances » et par « une plus grande appropriation des objectifs environnementaux« . Le message est sans appel, une meilleure communication est indispensable pour que le droit s’applique uniformément dans toute l’Europe. Les informations doivent être utiles, pertinentes et disponibles au lieu d’être obsolètes et dispersées comme c’est le cas actuellement.
Second point crucial : il est grand temps, selon la Commission, de développer des actions concrètes qui permettent de résoudre les problèmes environnementaux sur le terrain. « Connaissance et réactivité sont complémentaires« , souligne la Commission ajoutant à titre d’exemple qu’ »une meilleure connaissance peut permettre aux autorités douanières de déployer une meilleure stratégie de contrôle des trafics illégaux de déchets et d’espèces menacées« .
Un non-respect qui peut coûter cher
Il est important de noter que ce n’est pas la première fois que la Commission monte aux créneaux pour tenter d’améliorer l’application du droit communautaire de l’environnement.
C’était déjà le cas dans sa communication du 18 novembre 2008. À croire que l’environnement n’est pas une priorité…
Pourtant d’importantes économies pourraient être réalisées. En effet, la Commission souligne que le non-respect des réglementations environnementales par les Etats membres coutent chaque année 50 milliards d’euros en frais médicaux, arrêts maladies et autres dépenses directes.
Dès lors, l’adage mieux vaut prévenir que guérir prend tout son sens. Et d’ajouter que « la mise en œuvre intégrale de la législation de l’UE sur les déchets entraînerait la création de 400 000 emplois et coûterait, en termes nets, 72 milliards € de moins par rapport au scénario dans lequel cette mise en œuvre n’aurait pas lieu« .
La France ne fait pas exception quant à la mauvaise application du droit européen de l’environnement. Un certain nombre de contentieux sont toujours en cours et pourraient aboutir à de lourdes sanctions financières.
CONTENTIEUX |
DATE/JUGEMENT |
SANCTIONS FINANCIERES |
Contentieux portant sur la protection stricte du Grand Hamster d’Alsace. La France est accusée de ne pas avoir mis en œuvre les dispositions de la directive 92/43/CE « Habitat » concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. |
La Cour de justice a rendu le 9 juin 2011 un arrêt condamnant la France pour manquement aux obligations résultant de la directive précitée, pour ne pas avoir pris les dispositions nécessaires à la protection stricte du Grand Hamster. |
L’arrêt en manquement n’induit pas le prononcé de sanctions financières. Il impose la prise de mesures d’exécution dans les plus brefs délais, afin d’éviter que la Commission n’engage une procédure de manquement sur le fondement de l’article 260 TFUE qui aboutirait, elle, à des sanctions pécuniaires. |
Contentieux sur les décharges non autorisées. Dans ce contentieux, engagé au titre de l’article 260 du TFUE, il est reproché à la France la mauvaise application des dispositions de la directive cadre 75/442/CEE relative aux déchets (remplacée depuis par la directive 2008/98) et de la directive 1999/31 concernant la mise en décharge des déchets. |
La Cour de Justice a rendu un arrêt le 29 mars 2007 exigeant de la France sa mise en conformité avec le droit européen sous peine de se voir sanctionnée financièrement. |
Il reste aujourd’hui 3 décharges à mettre aux normes. Toutes sont situées en Guyane. Compte-tenu de la gravité de la situation des sanctions financières ont été provisionnées à hauteur de 61,6 millions d’euros en 2010 si la France ne se met pas en règle. |
Contentieux sur les nitrates – Une mise en demeure relative au « programme d’action nitrates » de la directive 1991/676 nitrates d’origine agricole, sur le fondement de l’article 258 TFUE. – Une mise en demeure relative à la « désignation des zones vulnérables » de la directive 1991/676 nitrates d’origine agricole, sur le fondement de l’article 258 TFUE |
Bien que la Commission ait salué les efforts de la France pour la mise en œuvre de ces directives « nitrates », ceux-ci sont, selon elle, encore insatisfaisants. Elle a par ailleurs émis de fortes réserves quant à l’évolution de la situation. |
Il est vraisemblable que les avis motivés rendu par la Commission aboutissent à une condamnation sans doute de nature financière. |
Laurie Mathy