Jacques Auxiette, vous présidez la Région des Pays de la Loire et vous vous êtes rendu à Rio au Sommet de la Terre de Rio + 20 au nom de l’Association des Régions de France. Partagez-vous le diagnostic d’échec dressé par les ONG et les médias ?
Je ne serais pas aussi négatif. Parler d’échec, c’est comme feindre d’ignorer où nous étions, à savoir dans l’enceinte de la Conférence des Nations unies sur le développement durable à laquelle 193 Etats ont pris part et où le consensus est la règle. Rio + 20, comme la conférence de Johannesburg en 2002, comme Rio en 1992, ont contribué à renforcer la conscience universelle que le sort de l’Homme et celui de la planète ne font qu’un. Au regard de l’histoire, même de celle des Nations unies, si Rio fut une première, Rio + 20 nous donne la confirmation du fait que, désormais, l’environnement fait partie de l’agenda international, personne ne le conteste plus !
Ceci dit, je retire des travaux et des discours de Rio + 20 le sentiment que les termes même du débat ne sont pas encore mûrs. Voyez la querelle sur « l’économie verte », contestée par les pays du sud à Rio. Il faut sortir de l’antagonisme malsain et dangereux entre économie et emploi d’un côté, et protection de l’environnement et des espèces de l’autre. Il est temps que les tenants d’une révolution verte sortent d’une posture anxiogène et culpabilisatrice, même s’ils ont raison sur le fond. Il faut surtout clarifier, simplifier les termes : « agenda 21 » ne veut rien dire, « développement durable » est mal compris. Ce travail conceptuel doit être mené parallèlement à la nécessité d’agir.
Ne faut-il pas s’en tenir simplement aux enjeux environnementaux sans les diluer dans une infinité de problématiques ? Vous avez mis en avant la protection sociale comme le premier objectif de Rio + 20 pour les collectivités locales… N’est-on pas loin de la préservation de la planète ?
Nous assumons parfaitement l’idée, – c’est un choix politique – que le développement durable, ce n’est pas que l’environnement : en France, et je le regrette, le Grenelle de l’environnement n’a jamais été un Grenelle du développement durable. Et, sur la scène internationale, je vous prie de croire que les piliers sociétaux et économiques du développement durable travaillent en profondeur de nombreux pays. Vous me parlez de protection sociale… Mais en Chine par exemple, le pouvoir a été conduit récemment, notamment sous la pression de la rue, à mettre en place des systèmes de protection sociale et de retraite pour des centaines de millions de travailleurs.
Justement, Rio + 20 n’a guère donné de résultats concrets…
Ce n’est pas exact et je veux souligner ici, qu’au-delà des discours incantatoires, il ressort clairement de la Déclaration finale, comme des discours du président de la République à Rio ou du secrétaire général de l’ONU, Ban ki Moon, des pistes d’action très concrètes : l’accès à l’énergie pour tous, la sécurité alimentaire, les océans, l’emploi (autant de chantiers sur lesquels la Région des Pays de la Loire est en pointe).
C’est le paradoxe de Rio : d’un côté un manque de clarté et des querelles conceptuelles, de l’autre des avancées tangibles sur des chantiers d’action très concrets comme l’énergie, l’eau, etc. Et les collectivités locales que je représentais à Rio se retrouvent bien dans cette dimension car elles sont actives dans les territoires pour avancer sur des projets concrets et ambitieux pour une nouvelle économie respectueuse de la Terre et créatrice d’emplois et de richesses.
Rio + 20 concernait surtout les Etats. Pourquoi y être allé comme président d’une région ?
Parce que l’article 28 de la Déclaration de Rio en 1992 nous donnait le mandat, comme pouvoirs locaux et acteurs clé des sociétés civiles, de contribuer aux objectifs de Rio. Le Sommet de la Terre a même fait évoluer notre rôle : d’opérateurs invités à agir, les collectivités locales reviennent comme co-constructeurs, au même titre que les Etats, du calendrier et du processus futur de Rio. Nous y étions légitimes en fait comme en droit et l’Association des Régions de France a beaucoup travaillé et sensibilisé les Régions sur ces enjeux. Vous savez, les Etats ne peuvent seuls faire avancer ces objectifs : les pouvoirs locaux, comme les entreprises, les ONG et les citoyens, tous ont leur rôle à jouer pour voir émerger cet honnête homme du XXIème qui réconciliera l’homme avec la planète.
Propos recueillis par Michel Taube