Vers une mainmise islamiste sur le pays
La transition tunisienne, depuis l’élection de la Constituante, se caractérise principalement par une stratégie de distribution des rôles entre les islamistes dits modérés ou conservateurs de Enahdha et la nébuleuse salafiste extrémiste. Pour plusieurs essayistes, Enahdha présenterait une façade séduisante d’un mouvement démocratique tolérant ouvert à la diversité. Cette image est véhiculée par les médias occidentaux.
La réalité est autre selon beaucoup d’observateurs tunisiens : Enahdha récolterait en sourdine les fruits d’une islamisation forcée mise en œuvre par des groupes salafistes infiltrés au sein des couches populaires les plus défavorisées. Aux salafistes « le sale boulot » de faire régner la terreur dans les élites, auprès des artistes, des médias et des femmes, leurs cibles principales.
L’impunité des auteurs de violence dans un pays doté d’un appareil policier important est la meilleure preuve de cette alliance objective entre le pouvoir et son aile extrémiste.
La violence n’est pas la seule méthode utilisée : vendredi dernier, fait inédit depuis l’ascension d’Enahdha, les prêches des imams des mosquées n’ont pas été prononcés que dans l’enceinte des mosquées mais retransmis dans les rues du quartier avec des mégaphones où toute activité était fortement déconseillée pendant l’heure de la prière. Fait jamais vu en Tunisie !
Autre décision prise au siège d’Enahdha à Montplaisir (Tunis) : l’accélération de la nomination de ses cadres et membres à la tête des institutions de l’administration centrale et régionale ainsi que dans certains médias.
Pourquoi cette radicalisation ? Elle est la conséquence directe d’un fait nouveau : les derniers sondages réalisés par des centres d’études, notamment américains, font ressortir que le principal parti au pouvoir vient de perdre au moins 30% de son électorat ! Le déficit de gouvernance dont fait preuve l’actuel gouvernement, la montée de l’inflation, l’aggravation du chômage, la détérioration des équilibres macro-économiques y sont pour beaucoup.
Mondher THABET Correspondant de www.opinion-internationale.com à Tunis