Il y a quelques jours, le lecteur matinal des transports en communs parisien a pu lire deux informations contradictoires sur la Turquie. Le quotidien gratuit Métro faisait état dans ses pages Monde du vendredi 5 octobre, d’un premier ministre turque calmant le jeu dans les tensions qui agitent ces dernières semaines la frontière syro-turque :« Non, la Turquie n’a pas l’intention de déclencher la guerre contre la Syrie ».
Quelques pages et un quotidien plus loin, le ton était tout autre entre la Syrie et la Turquie : le même jour, la couverture de Direct Matin s’ouvrait sur une photo de soldats turcs en armes, à la frontière syrienne. Accompagné de ce titre accrocheur : « La tension entre la Turquie et la Syrie s’intensifie, le feu au poudre ? ». De quoi faire douter le lecteur de Métro quant à la volonté de la Turquie de réellement « calmer le jeu ». Alors qu’il arrivait à la double page consacrée au sujet de couverture, le lecteur de Direct matin prenait peur : car l’on y parlait désormais d’une « escalade qui fait craindre l’internationalisation du conflit » et Erdogan, qui laisse désormais « exploser sa fureur » assène que « La Turquie ne laissera jamais impunies de telles provocations.». Le conflit Syro-turc, bientôt en France ?
Deux articles. Apparemment, deux informations différentes : apaisement pour l’un et alarmisme pour l’autre. Les faits sont pourtant les mêmes. En fait, deux traitements éditoriaux qui délivrent à la lecture rapide et sans connaissances préalables un sentiment différent. L’article de Direct Matin a été pensé et conçu pour faire peur. Et il y a en cela quelque chose de gênant. Oui, la situation est tendue, mais pourquoi ce choix d’une photo d’hommes en armes en couverture quand on sait que le Parlement turc a voté une motion autorisant « si nécessaire » la conduction d’opérations en Syrie, motion dissuasive qui n’autorise pas le gouvernement à entrer en guerre ? Oui, il y a eu bombardement mais pourquoi une double page dont les mots font peur et s’accompagnent d’une image menaçante d’un tank, quand on sait aussi que 62% de la population turque est opposée à une guerre ? Pourquoi après tout, ne pas emprunter le chemin difficile que constitue la présentation équilibrée d’un conflit complexe, tout à fait possible sur une double-page, au lieu de prendre ses gros sabots éditoriaux et offrir au lecteur matinal des transports en commun un digest anglé sur une vision « Armaggedonisante » de la situation au Proche Orient ? Réponse : pour vendre et faire de l’audience.
Vendredi pour les lecteurs du Métro, ça n’était pas la Turquie qui montrait ses muscles, c’était Direct Matin.
Michel Taube avec Emma Ghariani