Le président Français a prononcé un discours optimiste très politique devant les députés sénégalais dans l’après-midi du 12 octobre 2012. Dans un discours d’environ une demi-heure, il a souligné le rôle primordial que l’Afrique a joué dans la défense des libertés dans le monde, versant son sang pour la dynamique irréversible de la démocratie. Une opération bons sentiments qui ne pourra toutefois être réussie qu’en ayant en bandoulière transparence, bonne gouvernance et égalité.
François Hollande a dédié sa première sortie en terre africaine en tant que chef d’État à Dakar, double symbole mettant en valeur la vitalité de la démocratie sénégalaise et la force du lien qui unit la France et le Sénégal. Pour donner un caractère solennel à son discours et marquer sa volonté de s’adresser directement au peuple sénégalais, il a tenu son discours dans l’Hémicycle, devant les députés.
« Par deux fois au cours du siècle dernier, le sang africain a été versé pour la liberté du monde »
Le présiden Hollande a rappelé la contribution des tirailleurs sénégalais à la libération de la France. Il évoque à cet effet « Blaise Diagne et ses successeurs, qui ont activement participé aux travaux du Parlement français après la guerre et Léopold Sédar Senghor qui fit partie du Comité chargé d’élaborer la Constitution de la Vème République.» Tout comme le président français rappelle que la France a pu compter en 1914 et en 1940, «sur le concours de nombreux Sénégalais, enrôlés de gré ou de force sous le drapeau tricolore et dont le courage a permis à la France d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Par deux fois au cours du siècle dernier, le sang africain a été versé pour la liberté du monde. Nous ne l’oublierons jamais.»
Il faut ajouter à cela l’esclavage dont l’histoire, selon Hollande, doit être connue et enseignée afin d’«en tirer toutes les leçons». «Parce que l’exploitation des êtres humains continue de souiller l’idée même d’humanité. Il nous revient de poursuivre le combat contre ceux qui exploitent la misère et la détresse de jeunes filles, d’enfants, de réfugiés, de migrants. A Gorée, à la maison des esclaves, qui fait face à l’Océan Atlantique, je ne m’inclinerai pas seulement devant l’histoire : je m’engagerai pour la défense de la dignité humaine.»
Pour clore le chapitre de «la part d’ombre de notre histoire », Hollande a évoqué la répression sanglante qui, en 1944 au camp sénégalais de Thiaroye, provoqua la mort de 35 soldats africains qui s’étaient battus pour la France. Là, le président français dans un ton émouvant, déclare avoir «décidé de donner au Sénégal toutes les archives dont la France dispose sur ce drame afin qu’il puisse les exposer au mémorial sur Thiaroye.»
Démocratie et respect des droits
La visite de Hollande a été également mise à contribution pour parler «de l’avenir et d’une valeur universelle : la démocratie.» Aux représentants du peuple sénégalais, le président français magnifie le fait que «les trois premiers présidents sénégalais ont su, dans leur diversité, transmettre le flambeau à leur successeur, permettant des alternances sans déchirement.» Selon Hollande la France et le Sénégal portent ensemble «le respect des droits de l’homme, l’égalité devant la loi, la garantie de l’alternance, les droits des minorités, la liberté religieuse.» Toutes ces valeurs universelles ancrées au Sénégal, doivent, à son avis «s’épanouir dans toute l’Afrique. »
Transparence, bonne gouvernance et l’égalité
Les Africains ont pris leur destin en main et ce mouvement ne s’arrêtera pas. Mais le président de l’Hexagone prône un triptyque pour réussir cela. D’abord, la transparence à «exiger de toutes les entreprises qui viennent investir en Afrique ou occuper des positions et notamment dans le secteur minier et forestier.» Puis vient la bonne gouvernance, «une condition de la stabilité, de la sécurité et de la probité. C’est pourquoi je salue l’initiative du Président Sall de lancer une opération de récupération des biens mal acquis. La lutte contre la corruption, les abus financiers et contre l’impunité est l’affaire de tous. Nous devons être intraitables face à ceux qui pourraient se croire autorisés à voler les deniers de leur propre pays ou face à ceux qui viennent chercher des contrats en ne négligeant aucun moyen de pression ou d’influence.»
Enfin, l’égalité, car «près de la moitié des pays du continent sont en passe d’atteindre les Objectifs du Millénaire. Mais trop nombreux sont ceux qui restent au bord du chemin.»
La solidarité selon Hollande
Hollande a parlé aussi de la solidarité, qu’il assimile au développement, à l’introduction de financements innovants pour trouver de nouvelles ressources et au co-développement, qui ne peut être réduit à la seule question migratoire. François Hollande entend là mettre fin au «paradoxe absurde, qui fait que la France dans un passé récent, ait trop souvent fermé la porte à ceux-là même qui voulaient y créer des emplois, y développer les échanges, participer à l’effort de recherche ou de création artistique. Je souhaite que les procédures administratives soient simplifiées pour les étudiants, dès lors qu’ils sont motivés, talentueux, capables de subvenir à leurs besoins, mais aussi pour les artistes et les créateurs.»
Hollande prend le contre-pied de Sarkozy
Dans son discours d’environ une demi-heure, François Hollande a été catégorique sur son intention en venant à Dakar. Contrairement à son prédécesseur Nicolas Sarkozy en 2007 qui avait tenu un discours irritant toute l’Afrique – « l’homme africain n’est pas suffisamment entré dans l’histoire » –, Hollande a pris le contre-pied du concept d’homme africain de l’ancien président français. «Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer un exemple, ni pour délivrer des leçons de morale. Je considère les Africains comme des partenaires et des amis. L’amitié crée des devoirs : le premier d’entre eux est la sincérité. Nous devons nous parler librement. Nous devons tout nous dire, sans ingérence, mais avec exigence», martèle Hollande devant des députés qui l’ont applaudi à tout rompre.
Pour François Hollande il n’y a pas de vrai développement économique ni de vrai progrès social sans pluralisme. Il se dit convaincu que si l’Afrique réussit à surmonter les démons de la division, alors elle sera le continent où se jouera l’avenir de la planète.
Ibrahim KANDJIMOR
Correspondant à Dakar