Siliana, ville à 120 km au sud-ouest de Tunis, est depuis quelques jours le théâtre de violents affrontements entre la population et les forces de l’ordre. Non loin de la ville de Sidi Bouzid où la mort de Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, a entraîné la révolution du 14 janvier 2011, elle connaît également de graves difficultés économiques et sociales qui pèsent sur la population depuis la dictature de Ben Ali. À la source des affrontements, un appel à la grève générale de l’Union générale des travailleurs (UGTT) pour manifester contre la non-amélioration des conditions de vie dans la région depuis les dernières élections d’octobre 2011.
Un premier rassemblement a eu lieu mardi 27 novembre face au siège du gouvernorat, réunissant les représentants régionaux de l’UGTT, des habitants de la région, des membres de la société civile et des représentants politique tel le député de la circonscription de Siliana, Iyad Dahmani. Les manifestants avaient pour revendications la libération de 14 jeunes manifestants détenus depuis une première grève générale en avril 2011 et n’ayant pas encore été jugés à ce jour. Cela, en plus de l’amélioration des conditions sociales mais également du départ du gouverneur Ahmed Zine Mahjoubi, du parti au pouvoir Ennahda, dont l’action est contestée par le manque de résultats sur la situation économique de la région.
Une intervention des forces de l’ordre disproportionnée
Lors de ces manifestations, l’intervention disproportionnée des forces de l’ordre pour disperser la foule par l’usage de gaz lacrymogène, de matraques et de balles en caoutchouc a entraîné de violents affrontements avec les manifestants. Selon le ministère de l’intérieur, les forces de l’ordre auraient ainsi riposté contre les jets de pierres des manifestants et leur tentative de pénétrer dans le gouvernorat.
Ces affrontements ont fait plusieurs blessés du côté des manifestants, ce qui n’a pas empêché les représentants de l’UGTT d’appeler à poursuivre la grève. Le ministère de l’intérieur a aussi déploré une dizaine de blessés parmi les forces de l’ordre.
Selon le député Iyad Dahmani la manifestation était pacifique et, en signe de protestation, il a décidé d’entamer une grève de la faim. Les violents affrontements entre les forces de l’ordre et les habitants se sont poursuivis tout au long de la journée ainsi que le lendemain, jusqu’ à atteindre le bilan de plus de 220 blessés selon différentes sources médicales et syndicales.
Des tirs à balles réelles par la police, armée de chevrotines, ont causés de graves blessures aux yeux chez certains manifestants. Des journalistes de la radio tunisienne Mosaique FM et du journal Al Masar ont été agressés par les forces de l’ordre et le correspondant de France 24 a été blessé par un tir avec son chauffeur.
« Dégage »
Une manifestation de soutien aux habitants de Siliana a eu lieu mercredi 28 octobre 2012 à Tunis devant le ministère de l’intérieur. Parmi les slogans des manifestants, le « dégage » de la révolution du 14 janvier 2012 a de nouveau été scandé pour protester contre la violation du droit de manifester pacifiquement.
Le premier ministre Hamadi Jebali a réagi mercredi 28 novembre sur les ondes de la radio Tunisie Jawhara FM en déclarant : « que tout le monde sache qu’il n’y a plus de place pour les « dégage », ce gouverneur ne sera pas limogé même s’il faut que je quitte le gouvernement avant lui. » Mercredi soir les forces de l’ordre se sont retirées de la ville de Siliana et le calme semblait de retour. L’UGTT a pour sa part appelé à de nouvelles manifestations pour la journée du 29 novembre 2012.
Sarah Anouar