À quelques jours de la Journée mondiale contre le SIDA, se sont tenus les 17èmes États généraux de l’association Elus locaux contre le Sida (ELCS). Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris et candidate à sa succession, est revenue pour Opinion Internationale sur le retard pris par la France en matière de réduction des risques et de lutte contre le sida, des domaines principalement gérés par les associations jusqu’à maintenant.
La lutte contre le sida a, jusqu’à maintenant, été principalement associative. Comment renverser la tendance et en faire un combat politique et associatif au niveau local, et au niveau national ?
À Paris depuis plus de dix ans, depuis l’élection de Bertrand Delanoë, on a fait de la question de la lutte contre le VIH/Sida, c’est-à-dire de la prévention, de l’accompagnement des malades, des associations, de la solidarité internationale, un sujet très important de la politique municipale.
Pour nous, le politique doit être extrêmement présent, écouter les associations et s’inspirer d’elles parce qu’elles sont en première ligne. Elles voient les évolutions à la fois de la maladie et du public touché. Elles voient aussi des évolutions par rapport à cette dimension très spécifique au Sida qui est la question des discriminations dont sont victimes les personnes séropositives.
« Les élus locaux sont là aussi pour alerter les pouvoirs publics nationaux. »
Je pense qu’à Paris on a recherché très vite cette relation avec les associations, chacun à sa place mais dans un partenariat et dans un soutien mutuel. Par exemple la ville de Paris, chaque année, donne 1 200 000 € aux associations qui interviennent dans cette politique de santé publique sur le VIH/Sida.
Les élus locaux sont là aussi pour alerter les pouvoirs publics nationaux. On a besoin que les budgets de l’État soient eux mêmes organisés de sorte à pouvoir soutenir les domaines d’intervention nécessaires aux collectivités.
Je sais que pour beaucoup d’élus parisiens, c’est une évidence et nous nous battons. Nous considérons aussi que la question de la réduction des risques fait partie de la politique de santé publique en matière du VIH/Sida. C’est pourquoi nous nous sommes engagés dans cette idée d’expérimentation de salles de consommation où on peut accueillir les personnes toxicomanes et ainsi, engager le dialogue, les traitements et la discussion avec les personnes toxicomanes.
La France serait-elle en retard en matière de réduction des risques ? En comparaison, la première salle de consommation s’est ouverte il y a plus de 25 ans en Suisse.
La France a beaucoup de retard sur beaucoup de questions de société, elle tarde alors que la réalité est là. On a des responsables politiques qui, ces dernières années, sous l’ancien pouvoir au niveau national, ont plutôt nié la réalité avec des considérations idéologiques au lieu d’essayer d’avoir le pragmatisme qu’il faut pour s’attaquer à ces questions là. On a particulièrement pris du retard sur la question de la réduction des risques pour les toxicomanes.
On laisse se développer des situations de non-droit au lieu de prendre les choses avec pragmatisme et avec un souci de santé publique. Les salles de consommation avec un suivi, un accompagnement et une aide à sortir de la dépendance, sont une évidence.
La relation entre les associations engagées dans la réduction des risques comme ASUD (Autosupport des usagers de drogue), très active auprès des usagers, et le gouvernement n’a jamais été facile. Cette relation va-t-elle évoluer ?
Je pense que oui, nous sommes aujourd’hui dans une logique de dialogue, de compréhension. Si il y a des associations qui ont exprimé leur point de vue avec une forme de radicalité, c’est peut-être justement parce qu’il n’y avait pas les éléments du dialogue, c’est à celui qui détient le pouvoir de créer les conditions du dialogue. Pour moi, on est aujourd’hui dans une autre étape, plus positive, appuyée par un discours volontariste du Président de la République et une ministre de la santé très engagée sur ces questions là.
L’Etat tient compte enfin de la dimension médicale et de la dimension humaine. Je pense que ce qui manque dans des situations d’affrontement ou d’expressions très radicales, c’est le dialogue.
« Aujourd’hui nous avons tourné cette page. »
J’ai entendu, pendant des années, la droite et les directions des ministères nous expliquer que le Sida n’était plus un problème lorsque je siégeais comme présidente du centre régional d’information et prévention Sida d’Île de France. Que c’était une maladie qui ne faisait pas suffisamment de morts pour qu’elle puisse être une priorité de santé publique. Aujourd’hui nous avons tourné cette page. Par exemple, c’est la première fois depuis cinq ans que la présidente de la MILDT (Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie) participait aux Etats généraux d’ELCS.
Quand le politique relâche les efforts, les associations ne peuvent plus fonctionner car elles n’ont plus les moyens et se retrouvent dans une position de contre-pouvoir. Mais si l’on peut produire ensemble cette nouvelle politique de santé publique, c’est encore mieux.
Propos recueillis par Antoine Le Lay
Découvrez « La Piscine », projet imaginé, tourné et monté par des femmes séropositives et des militantes de AIDES à l’occasion des rencontres Femmes Séropositives en Action en septembre 2012, et diffusé lors des 17ème États généraux de l’association Élus contre le Sida.