Edito
08H11 - jeudi 13 décembre 2012

L’Edito politique : un nouveau regard sur la pauvreté en France

 

L’événement de la semaine en France (en attendant la grande manifestation pour le mariage gay samedi), ce fut, à n’en pas douter, la Conférence nationale sur la pauvreté et l’inclusion sociale au Conseil économique, social et environnemental. Pendant l’équivalent d’une journée pleine, on a vu tous les acteurs français de la lutte contre les exclusions échanger sur les stratégies à mettre en œuvre pour freiner (soyons modestes) la montée inquiétante de la grande précarité parmi des millions d’habitants.

 

On a vu certes un premier Ministre volontariste annoncer une ribambelle de mesures qui déboucheront sur un plan pluri-annuel transversal qui mobilisera tous les ministères de la République et se soldera par la tenue d’un comité inter-ministériel le 22 janvier. Rappelons que ce comité ne s’était plus réuni depuis des années.

 

Au-delà d’un plan complexe, très technique, parfois trop porté sur le court terme et pas assez visionnaire comme le regrettait Christophe Robert de la Fondation Abbé Pierre, et sur lequel nous reviendrons dans les jours qui viennent, c’est le regard de la société sur la pauvreté que veut changer le gouvernement. En temps de crise, il fallait donner un signal fort : la mobilisation générale est décrétée pour inverser la courbe d’une pauvreté croissante.

 

Ainsi, on a vu 11 ministres de la République passer de longues heures à discuter, à huis clos, avec ces protagonistes de la lutte anti-pauvreté. On a vu, et sans démagogie, des exclus eux-mêmes associés aux discussions et aux propositions, comme l’avait initié le Conseil national de la lutte contre la pauvreté et son président Etienne Pinte.

 

Le nouveau modèle français que défend et veut incarner le premier Ministre, c’est au fond un volontarisme réaliste, c’est une générosité maîtrisée. Il est loin le temps où un président de la République annonçait d’un côté qu’en 5 ans il n’y aurait plus de SDF dans la rue et que la pauvreté reculerait de 30% et de l’autre fustigeait les pauvres en les accusant de frauder ou de ne pas tout faire pour en sortir. Jean-Marc Ayrault s’est d’ailleurs refusé à annoncer des objectifs précis de réduction de la pauvreté. Et les associations comme ATD quart-monde lui ont emboîté le pas en disant que pour les exclus eux-mêmes, l’annonce d’objectifs inatteignables, résonnait comme un mépris à l’égard de leurs souffrances.

 

Mais pour ce qui est de la mobilisation générale, on regrettera l’absence de deux acteurs clé : le président de la République qui avait inauguré les conférences sociale et environnementale de juillet et octobre. Et le manque de représentativité des entreprises. A part Louis Gallois, Monsieur compétitivité économique, mais aussi (on le sait moins) président de la FNARS, principale Fédération d’organismes d’hébergement et d’accueil des exclus, les entreprises n’ont guère été associées à ces travaux, alors que, tout de même, la sortie de la pauvreté passe le plus souvent par un emploi. Comme souvent, les professionnels de la lutte anti-pauvreté et les acteurs publics étaient sur-représentés alors que tous les corps de la société devraient être mobilisés. On attendra aussi avec curiosité les contre-propositions des forces politiques d’opposition comme des acteurs économiques et sociaux.

 

Faudrait-il une grande loi cadre pour clarifier les grandes lignes directrices de ce plan national, ponctuée par une nouvelle grand-messe en présence du président de la République et de tous les corps constitués de la nation ? Espérons que la mobilisation générale contre la pauvreté sera le mot d’ordre de l’année 2013.

 

 

 

 

Michel Taube