Citizens in Art
16H30 - jeudi 20 décembre 2012

Bienvenue dans le monde des littératures francophones d’Afrique

 

L’Institut Français vient de lancer un livret numérique exceptionnel : le « Panorama des littératures francophones d’Afrique ». Présentation de cette invitation au voyage littéraire avec son auteur, Bernard Magnier, et deux écrivains présentés dans le Panorama, Marguerite Aboué et Sami Tchak. une œuvre disponible gratuitement sur internet : www.institutfrançais.com/panorama.

Un article publié en partenariat avec www.africavivre.com

 

 

 

 

Un ustensile pédagogique et ludique :

 

Cet outil numérique recense selon sept entrées thématiques une sélection de 250 livres de 150 auteurs. Le choix de ne pas classer ces œuvres par chronologie ou par pays résulte d’une volonté explicite de Bernard Magnier, journaliste et grand spécialiste des littératures africaines. Il n’a pas voulu segmenter la production littéraire d’un continent qui ne se limite pas à des frontières et une histoire parfois complexes à catégoriser. On citera comme thématique « Photographier… Ne plus être photographié », soit la volonté des auteurs de décrire eux-mêmes les réalités de leurs pays et de leurs vies. Il y a aussi les thèmes des allers-retours avec l’Europe, de la dure réalité du lendemain des indépendances ou encore de la famille. L’utilisateur du livret peut ensuite se rediriger d’un thème à l’autre ou retrouver un même auteur dans différentes thématiques et parcourir de manière ludique ce large panorama.

 

Sami Tchak © Wikipedia

Le projet, à l’initiative de l’Institut Français, résulte d’une volonté de démocratiser ces littératures souvent méconnues. Une étude montre qu’en 2050, 85% des francophones viendront d’Afrique. Il a donc semblé essentiel de créer un outil pour guider les professeurs de français à l’étranger, mais qui se destine également à tout amateur de littérature. Il faut noter que ces œuvres sont avant tout consommées par les Européens, beaucoup plus lecteurs que les Africains. Ceci s’explique tout d’abord pas le taux d’alphabétisation encore faible dans certains pays mais aussi par la pratique peu courante de la lecture, même chez les élites cultivées et alphabétisées en Afrique. Ce Panorama sera donc sûrement l’occasion de proposer aux élèves des écoles francophones en Afrique un choix d’œuvres incontournables. Pour les curieux, ce peut être une opportunité pour découvrir une littérature neuve, au vocabulaire riche, et dont la qualité littéraire n’a rien à envier aux pontes institutionnalisés du continent.

 

Grâce à l’Institut français, nous avons pu rencontrer deux auteurs à la production très différente pour illustrer ces littératures francophones. Marguerite Aboué, originaire de Côte d’Ivoire, est l’auteure de la bande-dessinée Aya de Yopougon, dont le premier volume a reçu le prix du premier album au Festival d’Angoulême en 2006. Elle raconte à travers les yeux d’une jeune fille de 19 ans la vie à Yopougon, un quartier chaud d’Abidjan. Marguerite Aboué explique sa volonté de montrer l’Afrique autrement que ce qui est véhiculé par les médias : « je vais vous emmener dans l’Afrique qui vit » dit-elle.

Sami Tchak, quant à lui, est auteur de six romans, quatre essais, mais également d’articles et de nouvelles. Cet écrivain relate les histoires de personnages constamment sur le départ, dans un entre deux. Il ne limite pas sa littérature à la zone géographique de l’Afrique, mais situe ses récits dans le monde entier.

Certains de ses romans se situent en Amérique du Sud, que Sami Tchak connaît bien après y avoir voyagé longtemps pour des recherches sociologiques. C’est par exemple le cas de son roman Filles de Mexico. La rencontre de ces deux écrivains permet de toucher à la diversité des littératures d’Afrique subsaharienne : il n’y a pas que du roman, il y a aussi de la bande dessinée. Elle n’est pas tournée que vers l’Afrique, mais aussi sur le monde. De quoi percevoir brièvement combien la littérature Africaine est complexe, riche et inventive.

 

Une littérature engagée ?


Bernard Magnier © Wkimedia commons

Cet aperçu des littératures africaines amène à se demander quelle place occupe aujourd’hui l’engagement des protagonistes. Si les deux auteurs rencontrés récusent un investissement politique, on peut toutefois noter un engagement réel d’un grand nombre d’auteurs. Selon l’auteur du panorama, Bernard Magnier, il y a une évolution de l’engagement depuis plusieurs années : au départ anticolonialiste, puis dénonciateur des dictatures, les formes de l’engagement sont aujourd’hui variées. Pour Bernard Magnier, « il est extrêmement difficile de généraliser […] Ce peut être un engagement politique, immédiat ou différé, mais il peut aussi être d’un autre ordre. L’envie de faire passer quelque chose qui n’est pas immédiatement politique : un engagement humanitaire, une histoire d’amour… » Dans certains pays, un engagement direct est très compliqué à cause des répressions. Bernard Magnier note ainsi qu’en République Démocratique du Congo ou en Somalie « on n’écrit pas ce qu’on veut ». Le risque d’exil ou d’emprisonnement est une réalité dans certaines régions. Il rappelle le cas de l’écrivain nigérian Ken Saro-Wiwa, exécuté en 1995.

 

L’engagement des auteurs peut se faire en dehors de l’espace de création littéraire, par un engagement direct qui n’implique pas l’œuvre. C’est le cas de Marguerite Abouet, qui a créé l’association « Des Livres Pour Tous », sans pour autant revendiquer un statut d’auteure engagée. Même si l’engagement citoyen des auteurs actuels existe, il faut du temps pour s’approprier les événements récents et les transmettre en littérature. On remarque que les auteurs maghrébins sont impliqués dans les révolutions arabes, mais n’écrivent pas encore à ce propos : il faut un temps de digestion de l’Histoire. Pour Bernard Magnier, « [les auteurs] n’ont plus envie de parler au nom de, comme le faisait la première génération. La littérature africaine actuelle s’est quelque peu normalisée. Elle s’est rapprochée des autres littératures mondiales. » D’une certaine façon, l’engagement des auteurs africains aujourd’hui, se situerait dans cette démarche de normalisation. Il s’agit de sortir d’une certaine stigmatisation du continent en proposant une littérature de qualité, au même titre qu’en Europe, en Amérique du Nord ou du Sud.

 

Éléonore Sens avec Cheikh Dieng

 

Lisez également le coup de coeur de africavivre : http://www.africavivre.com/Livres/panorama-des-litteratures-francophones-d-afrique-de-bernard-magnier.html

 

Consultez en ligne le panorama des littératures francophones d’Afrique :
www.institutfrançais.com/panorama.


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