C’est l’examen quinquennal en matière de droits humains que subit la France, comme tous les pays du monde, devant les Nations unies : la France est interrogée ce lundi 21 janvier 2013 par les Etats de la planète sur l’état des droits de l’homme sur son territoire et les politiques menées pour les améliorer. Place au fameux EPU (Examen Périodique Universel). Cela se passe au Palais des Nations Unies à Genève.
C’est François Zimeray, Ambassadeur des droits de l’homme, qui défendra la politique de la France. En 2008, nous étions sous la France de Sarkozy et c’est le même homme qui défendait la France devant l’ONU.
Cinq après, le pouvoir politique a changé de main en France. François Hollande et la gauche ont succédé à la droite. Et c’est certainement sur le terrain des libertés que les nuances voire les divergences de politiques clivaient le plus les deux candidats à la présidentielle de 2012. Plus de six mois après l’élection présidentielle, au moment de cet EPU (Examen Périodique Universel), il est peut-être trop tôt pour constater des changements profonds.
Les organisations de défense des droits humains s’impatientent déjà et dénoncent pêle-mêle la poursuite de la pratique des expulsions forcées, l’absence de plan efficace de lutte contre le racisme, l’absence dans le code pénal français d’une définition de la torture conforme à l’article 1 de la Convention des Nations unies contre la torture, une réforme profonde des procédures d’examen des demandes d’asile.
On y verra plus clair dans cinq ans, au terme du mandat du président Hollande. Mais, sur certaines questions sensibles, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault fait franchement profil bas pour le moment, pour ne pas trop montrer une trop grande continuité dans un changement peu visible… Roms expulsés collectivement de camps indignes, état des prisons toujours déplorable, condition de détention des sans-papiers, absence de mesures audacieuses pour prévenir les contrôles de police au faciès… En même temps, l’ambiance générale a changé, la pression est moindre sur les exclus, la stigmatisation des plus démunis ou des immigrés a disparu du discours public. Et c’est déjà beaucoup.
Mais au fond des choses, la France de Hollande a-t-elle vraiment changé sur le terrain des libertés ? « La France des droits de l’homme » est plus un discours de moins en moins employé qu’une constante de notre régime où les logiques assimilatoires l’emportent souvent sur les droits des particuliers. Notre crainte est que l’arrivée de la gauche au pouvoir n’y change pas grand-chose.
L’intérêt de l’EPU est que, pour une fois, c’est nous-mêmes qui seront observés et interrogés par la communauté internationale. Dans leur logique même, les droits humains imposent de regarder l’autre, de comparer entre les nations. Cette fois-ci, ce regard sur autrui se portera sur la France, et ce n’est que bon droit.
Qu’en sortira-t-il ? Des mises à l’index idéologiques ? Des querelles de civilisation ? Chaque année, les Etats-Unis dénoncent le manque de liberté d’expression en France. Les pays arabes (mais ils ne sont pas les seuls) dénoncent l’interdiction du voile islamique dans les lieux publics. Les droits humains sont universels mais leur lecture varie selon les Etats…
Le premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, parle de réinventer le modèle français. En quoi les droits humains y tiendront-ils une place plus centrale ? C’est ce que l’on aimerait apprendre de cet EPU. La « France des droits de l’homme » y regagnerait en légitimité.
Michel Taube