A l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de l’Elysée qui avait scellé la paix entre la France et l’Allemagne en 1963, OI publie la Déclaration de Berlin adoptée aujourd’hui par François Hollande et Angela Merkel, à l’issue d’un conseil des ministres et d’une réunion des deux assemblées parlementaires des deux pays.
DECLARATION DE BERLIN A L’OCCASION DU CINQUANTIEME
ANNIVERSAIRE DU TRAITE DE L’ÉLYSEE
Berlin – Mardi 22 janvier 2013
1. Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signaient un traité entré
dans l’histoire sous le nom de Traité de l’Elysée, consacrant l’engagement irrévocable de la
France et de l’Allemagne pour la paix, l’amitié de leurs peuples et l’Europe. C’est avec une
grande fierté que nous célébrons aujourd’hui le cinquantième anniversaire de ce texte
audacieux.
Les deux conflits mondiaux dévastateurs ont montré l’horreur de la guerre et les souffrances
incommensurables infligées par la barbarie. Le souvenir de ces affrontements constitue le
socle de notre réconciliation.
Le Traité de l’Élysée a marqué un nouveau départ dans notre relation. Il est plus que jamais
indispensable.
Dans le discours qu’il a prononcé lors de la remise du prix Nobel de la paix à l’Union
européenne, le 10 décembre 2012, Thorbjørn Jagland, le président du comité Nobel, a qualifié
la réconciliation entre l’Allemagne et la France « d’exemple vraisemblablement le plus
spectaculaire de l’histoire montrant comment un continent de guerre et de conflits peut se
transformer si rapidement en un continent de paix et de coopération ». La relation entre nos
deux pays constitue le cœur de l’Europe et nous confère une responsabilité exceptionnelle.
2. La jeunesse représente l’avenir de l’amitié franco-allemande. Elle forme la priorité de nos
relations. Depuis 1963, plus de huit millions de jeunes ont participé aux programmes
d’échanges de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse. Nous avons décidé de renforcer
notre soutien à l’action de l’OFAJ en lui accordant des moyens à la hauteur de notre ambition.
Notre jeunesse doit pouvoir avoir la chance de réaliser ses projets et d’y consacrer son énergie
et le désir d’épanouissement qui l’anime. A cette fin, nous déploierons tous les efforts
nécessaires pour qu’elle ait accès à la meilleure éducation, à des emplois et qu’elle puisse
bénéficier de l’ensemble des possibilités offertes dans nos deux pays et en Europe. Nous
avons décidé de mettre en place des mesures concrètes pour développer la formation et les
compétences professionnelles des jeunes y compris par des filières bilingues.
3. Une communauté de destins et une véritable citoyenneté européenne ne peuvent se
développer sans un espace commun de l’éducation, du savoir et de la culture. Dans cette
perspective, la France et l’Allemagne développeront des coopérations concrètes qui auront
vocation à inspirer des initiatives européennes. Dans le domaine culturel, elles promouvront
des partenariats dans tous les domaines et l’approfondissement d’un système économique et
fiscal européen protégeant le droit d’auteur, y compris dans le domaine numérique. Fortes de
la promesse suscitée par le rapprochement de leurs sociétés civiles, elles s’engagent à
favoriser une conscience citoyenne européenne, respectueuse des spécificités de chacun, à
travers la promotion de l’enseignement de l’histoire de l’Europe, de l’apprentissage de la
langue des autres Etats membres, de la préservation et la mise en valeur du patrimoine
européen.
4. Sous l’impulsion conjointe de la France et de l’Allemagne, l’Union européenne a porté un
projet fort pour la démocratie, les libertés, le progrès économique et social des peuples
européens, tenant compte du principe du développement durable et de l’achèvement du
marché intérieur et du renforcement de la cohésion et de la protection de l’environnement.
Nous, Allemands et Français, au même titre que tous les Européens, pouvons être fiers de ce
que nous avons accompli. Notre modèle européen, conciliant d’une manière unique la réussite
économique et la solidarité sociale, conserve toute sa force. Néanmoins, nous ne pourrons
jouer ce rôle d’exemple à l’avenir que si nous partageons la volonté de renouveler
continuellement notre modèle européen en maintenant ses fondements.
La coopération entre nos deux pays, à l’origine même de la construction européenne, traduit
l’importance du rôle moteur du couple franco-allemand. Alors que l’Europe fait face à une
crise qui frappe durement les Européens, nous sommes déterminés à développer encore la
coopération franco-allemande et à la mettre au service de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire afin que l’Europe surmonte les difficultés et nous permette de sortir
de la crise plus forts.
5. La compétitivité de nos économies est l’une des clés de notre prospérité et de la
préservation de notre modèle économique et social. Elle constituera un thème important de
notre coopération. Nous intensifierons nos échanges avec les partenaires sociaux, afin de
prendre des initiatives communes pour renforcer la compétitivité de nos économies tout en
assurant un haut niveau de protection sociale. A cette fin, nous invitons les représentants des
employeurs, les syndicats et les représentants des salariés à créer un groupe de travail
consultatif franco-allemand qui proposera des initiatives conjointes.
6. Ensemble, la France et l’Allemagne ont porté et défendu la monnaie unique. Elles
s’accordent sur l’importance décisive de la stabilité et de la croissance au sein de l’Union
économique et monétaire pour l’avenir de nos deux pays et de l’Union européenne. C’est une
condition indispensable pour que notre modèle économique et social européen puisse
s’affirmer dans le monde. La France et l’Allemagne sont conscientes de leur responsabilité
particulière à cet égard.
Elles prendront des initiatives ambitieuses pour définir les étapes de cet approfondissement et
établir les politiques, les instruments et le cadre institutionnel démocratique nécessaire à sa
réalisation. La France et l’Allemagne présenteront une contribution commune en mai
prochain visant à contribuer aux travaux engagés dans la perspective du Conseil européen de
juin.
7. Au-delà, elle porteront également de nouvelles ambitions pour les politiques européennes,
notamment dans le domaine de la recherche et de l’innovation, de l’énergie, des transports, de
la politique industrielle, de l’économie numérique, de l’espace de liberté, de sécurité et de
justice, y compris par l’instauration d’un parquet européen, de la défense.
8. Nos sociétés sont caractérisées par de profonds changements démographiques. Elles
doivent s’adapter pour relever ce défi. La solidarité entre les générations, la conciliation entre
vie professionnelle et vie familiale et l’intégration de tous dans nos sociétés revêtent dans ce
contexte une importance décisive. Aussi ces enjeux constituent-ils un axe prioritaire de la
coopération franco-allemande.
9. Nous sommes déterminés à réussir la transition énergétique et écologique dans nos deux
pays et à travailler ensemble au déploiement des énergies renouvelables, au renforcement de
l’efficacité énergétique, au développement des nouvelles technologies, à la mise en place de
nouveaux modes de financement des investissements et à l’approfondissement du marché
intérieur de l’énergie. Nous devons avancer résolument vers une véritable politique
européenne de l’énergie. C’est ainsi que nous tiendrons notre rang dans la compétition
mondiale et que nous contribuerons à la lutte contre le réchauffement climatique.
10. La France et l’Allemagne poursuivront leur concertation étroite sur toutes les questions
importantes de politique étrangère. Elles entendent renforcer le rôle, les objectifs et la voix de
l’Europe dans le monde pour promouvoir la paix et la sécurité, faire progresser les droits de
l’Homme, soutenir le développement, lutter contre la pauvreté, protéger l’environnement,
réguler les échanges internationaux. Le développement d’une politique extérieure et de
sécurité commune renforcée, y compris à travers une politique de sécurité et de défense
commune, devra répondre à ces objectifs. La France et l’Allemagne contribueront à
l’émergence d’une véritable culture de sécurite et défense commune en Europe grâce au
développement des échanges entre jeunes officiers et à l’établissement d’une analyse
stratégique convergente. Elles développeront des options d’actions conjointes et les moyens et
capacités nécessaires au travers de l’harmonisation des besoins militaires. Dans ce contexte,
elles souhaitent renforcer l’industrie de défense européenne.
11. En cette année de souvenir autant que d’engagement pour l’avenir, la France et
l’Allemagne sont conscientes de l’importance de leur relation dans la définition et la mise en
oeuvre des orientations qui dessineront l’Europe de demain. Le Traité de l’Élysée est une
source d’inspiration pour notre action.
La coopération de la France et de l’Allemagne doit engager également les Parlements, qui ont
décidé aujourd’hui même d’une nouvelle étape de leur travail commun. Les initiatives
d’échange issues de la société civile doivent aussi se poursuivre afin de prolonger le
rapprochement engagé par les générations précédentes.
Nos deux pays s’engagent à honorer le Traité de l’Elysée en œuvrant, dans un rapprochement
toujours plus étroit entre leurs autorités et entre leurs citoyens, à la construction d’une Union
qui préserve notre idéal européen de société dans l’intérêt de tous les citoyens de l’Union
européenne.