La propagande du régime de Ben Ali a contrôlé la vie quotidienne des Tunisiens mais elle a aussi figé toutes les images de la Tunisie. La propagande a également inhibé toute forme d’expression créative et artistique mais la révolution tunisienne a révélé de nouveaux talents dans tous les arts dont la photographie. Lilia El Golli est une photographe tunisienne qui a pris en images « sa révolution ».
Lilia El Golli, ayant pour nom d’artiste @Liloone, est née à Tunis en 1972. Une artiste dans l’âme qui se passionne à « écrire la lumière » – définition de son art, la photographie. Pendant son enfance vécue entre Paris et Tunis, elle ressent très vite une attirance pour les arts et notamment pour la photo qu’elle découvre avec son père à l’âge de onze ans. Malgré cette sensibilité et ce désir de vouloir faire des études artistiques, elle entame des études supérieures dans une école de commerce parisienne pour satisfaire la volonté de ses parents d’envisager une voie « sûre » et élitiste. La confrontation est dure pour Lilia : « J’ai tu une grande partie de moi-même en renonçant dans un premier temps à une carrière artistique. » Finalement Lilia obtient un bac+5 en Finances et elle se retrouve alors très vite cadre exécutif dans une multinationale. En revanche après plusieurs années d’expérience, elle décide de renoncer à cette carrière pour développer sa passion pour la photographie et enfin s’épanouir.
Cette prise de conscience, lui permet de faire des voyages et de suivre quelques formations professionnelles de photographie pour envisager un nouveau chemin, qui rejoint celui de la révolution en Tunisie en 2011.
En décembre 2010, à peine mis en ligne son premier site internet, (nouvelle version prévue le 15 mars prochain), les événements s’accélèrent en Tunisie après l’immolation de Mohamed Bouazizi. Lilia El Golli a vécu la révolution du 14 janvier en étant à Paris avec «beaucoup de frustrations ».
Elle revient en Tunisie en février 2011 ou elle décide de photographier « l’envers de la révolution » qui donnera naissance à l’exposition : « les délaissés de la révolution », organisée avec Amnesty International à Londres en mai 2011. Lilia raconte qu’elle était plus intéressée « par les délaissés de la révolution dans les régions qui n’étaient pas sous les feux de la rampe et envers lesquels les Tunisiens étaient indifférents ». Les photos de Lilia prendront une dimension citoyenne lors de son exposition en janvier 2011 pour « inciter les Tunisiens à voter ».
De photos en photos, Lilia affirme sa « ligne directrice » qu’elle définit par « écrire la lumière ».
« L’énergie débordante en Tunisie » comme elle dit permet d’aller loin dans la créativité.
Cependant elle relève que l’art de la photographie est « un art jeune » qui est apparu en Tunisie avec la révolution « mais qui n’est pas respecté et considéré comme un art à part entière » par les Tunisiens .
Lilia apporte sa vision sur cette période de « transition », estimant que « la Tunisie est en train de se former en devant se normer » et elle ajoute qu’elle « adore cette ébullition » et s’évader dans son beau pays. Lilia continue aujourd’hui ses prises de vue en Tunisie et elle présentera une exposition Regards croisés de photographes avec le photographe Samy Snoussi, dans l’ancienne demeure du grand Rabbin de Gabès-Dar El Fenouch- du 22 février au 2 mars 2013. En mars 2013, elle présentera son nouvel album de photos Dieu existe, je l’ai rencontré et une exposition sur la fragilité sociale dans le grand Tunis. L’exposition ombre(s) et lumière(s) sera présentée à Genève en avril prochain.
Lilia El Golli est une personnalité lumineuse avec une sensibilité extrême, qui se lit dans ses images, douces et denses à la fois. Une photographe talent ayant le pouvoir de mettre en lumière, les zones d’ombres de son pays et de « son monde », sublime.
Sarah Anouar, correspondante à Tunis