François Hollande a justifié l’intervention de la France au Mali au nom de la lutte contre « le terrorisme ». Or, le conflit malien ne se limite pas à la seule question terroriste. La crise que traverse le pays depuis l’indépendance de la France et la première rébellion touareg en 1962 trouve ses origines dans un dysfonctionnement socio-économique profond dont les violences terroristes ne seraient qu’une manifestation. Pauvreté, mécontentement social, inégalités, divisions intercommunautaires, marginalisation des populations du nord et manque chronique de gouvernance sont des éléments auxquels il convient de s’intéresser de près si l’on souhaite trouver une solution viable au marasme dans lequel le Mali s’est embourbé. Au cœur de cet effort, la question de l’exploitation des ressources naturelles se révèle cruciale.
Des Etats dépossédés du contrôle sur leurs ressources naturelles
Il s’agit ici de mettre en cause la perte progressive de contrôle par les pays du Sahel occidental sur leurs ressources naturelles et leur domination par des acteurs extérieurs. L’absence significative de gouvernance étatique dans le Nord du Sahel n’a pas seulement permis à un large nombre d’acteurs armés maliens et nigériens d’y opérer et favorisé l’émergence de ces groupes armés. Elle a aussi laissé la place à de nombreux investisseurs étrangers de venir exploiter ses richesses. En outre, certains gouvernements sahélo-sahariens ne sont pas parvenus à financer par eux-mêmes entièrement l’exploitation de ces ressources et ont choisi de faire appel au capital des puissances mondiales. Ils n’ont donc pas pu tirer le maximum de bénéfice de cette exploitation et se retrouvent dès lors dans une situation socio-économique « étonnante » si l’on considère les richesses très importantes qu’ils « possèdent ». Plus qu’au seul égard socio-économique, ces situations sont injustes pour les populations locales qui sont victimes des dégradations diverses causées par ces activités. Au Niger par exemple, l’exploitation de l’uranium par Areva est contestée par les populations locales, qui dénoncent la dégradation de l’environnement due à l’exploitation de matières radioactives, tandis qu’elles ne sont pas associées aux bénéfices gigantesques générés par ce commerce, négocié à 900 km de là, dans la capitale Niamey.
Pour retrouver leur autonomie dans l’exploitation de ces ressources et ainsi faire profiter au maximum leur population de ses bénéfices, les Etats du Sahel occidental doivent mettre en place une stratégie globale de gestion de leurs ressources naturelles, afin de recouvrer remettre la main sur ces richesses et par conséquent, sur leur territoire. Une réforme législative pourrait être nécessaire. Les codes miniers constituent aujourd’hui des obstacles qui réduisent les profits financiers de l’économie de l’État. Ce changement passera surtout par une plus egrande intégration des communautés locales aux processus opérationnel et décisionnel relatifs à l’exploitation des ressources et à ce qui sera fait du produit de cette exploitation. Elles doivent pour cela procéder à une plus grande transparence quant aux revenus de l’exploitation et mettre sur pied des institutions légitimes, comptables, inclusives et efficaces au niveau local. Les exploitations pourraient également faire davantage appel à de la main d’œuvre locale, qui irait dans le sens d’un développement socio-économique équilibré de la région. A l’heure actuelle, sur l’ensemble des minerais exploités au Niger, seulement quelques 1500 postes ont été offerts à des personnes issues de communautés locales (4). La participation de la société civile est, dans ce cadre, indispensable pour assurer une planification fondée sur les besoins, une réalisation des activités au niveau local et pour renforcer la responsabilité des gouvernements envers leurs citoyens.
S’il est délicat d’affirmer que les ressources naturelles ont motivé l’intervention militaire de la France, il est intéressant de noter la récente décision de la Chine d’aider les français dans leur intervention armée au Mali quand l’on sait que l’entreprise China National Petroleum Company (CNPC) détient 60 % de la raffinerie de Zinder aux côtés de l’Etat nigérien, dans le bassin d’Agadem. Quoi qu’il en soit, il reste certain que l’exploitation des ressources naturelles des régions du Sahel occidental – et surtout du Nord Niger – représente une source potentielle de déstabilisation et de violence ainsi qu’un manque à gagner très important pour la région, aux conséquences socio-économiques très négatives. La sécurisation de ces territoires est donc indispensable, tout comme la mise en place d’une gouvernance étatique robuste dans ces zones de non-droit. Peut-être serait-il bon de repenser l’allocation des fonds actuellement dépensés dans le cadre de l’opération Serval et envisager un soutien solide à une réforme économique et institutionnelle de grande envergure ?
Helen Wilandh et Claire Fanchini
(4) Grégoire E, « Niger, un État à forte teneur en uranium », pp. 212, 2011