La Citoyenne
07H36 - vendredi 5 avril 2013

Quelle justice pour les Rwandaises ?

 

Dix-neuf ans après le génocide qui a décimé un million de personnes dans un pays de huit millions d’habitants, les Rwandaises aperçoivent enfin la fin du tunnel. Au Gacaca, (tribunal rwandais), les femmes parlent haut et fort des violences sexuelles.

Tribunal Gacaca

Entre avril et juin 1994, les femmes au Rwanda ont subi de réelles atrocités. Bien que la majorité des personnes tuées ait été des hommes, les femmes ont excessivement souffert de violences sexuelles, principalement des viols. Pas seulement les Tutsi, car les femmes Hutus mariées à des Tutsis étaient également ciblées par les attaques. Ceci a entraîné un véritable traumatisme dans la société rwandaise, qui a cherché, dès novembre 1994, à poursuivre en justice toute personne impliquée, acte précurseur à une réconciliation nationale.

La ré-instauration du Gacaca : un exutoire pour les rwandaises

En dehors du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, créé pour l’occasion, les Cour nationales ployaient sous le nombre de plaintes, à tel point qu’il aurait fallu plus d’un siècle pour mener toutes les procédures judiciaires à terme. Afin de pallier le problème, le Rwanda a réinstauré en 2001 un tribunal traditionnel, le Gacaca (prononcer ‘Gachacha’). Celui-ci repose sur la communauté : les juges, les prévenus, le public, se réunissent sur la place publique – sont parfois même assis par terre. Là, ils écoutent les accusations de la personne qui porte plainte et la défense de l’accusé(e), souvent sans avocat. Cette cour de justice, plus expéditive, a permis de traiter les deux millions d’offenses en onze ans « seulement ».

En particulier, le Gacaca a permis aux femmes de s’exprimer, de témoigner et de connaître une certaine justice. D’autant plus que les crimes sexuels qu’elles avaient subis étaient plus reconnus que jamais par le droit international. En 1995, la communauté internationale a adopté une mesure extraordinaire : Depuis cette date, les crimes sexuels sont jugés de la même manière que des crimes contre l’humanité.

Anne-Marie de Brouwer, professeure associée de droit criminel international à l’université de Tilburg, explique à Opinion Internationale que le sentiment de honte généralement associé en Afrique aux femmes ayant subi un viol, n’était pas ressenti ainsi par toutes. Paraphrasant l’une des femmes qu’elle a rencontrées au Rwanda, elle raconte : « cela s’est produit en public, donc je n’ai pas à avoir honte ; tout le monde est au courant de toute manière, donc je veux pouvoir le dire haut et fort ; je veux que tout le monde reconnaisse ce qui m’est arrivé et je veux que ces crimes soient reconnus ; vraiment je n’ai pas à avoir honte. » Ainsi, le Gacaca eut à juger 7000 cas de violence sexuelle. Il a également apporté des réponses sur les exactions produites au temps du génocide – qui a tué sa famille, qui a volé sa propriété, etc.

Donner la parole pour témoigner


En 2009, de Brouwer a compilé un livre de témoignages de femmes – et un homme – victimes de viol, The Men Who Killed Me. Elle donne ainsi la parole à certaines personnes qui n’ont pas pu obtenir justice au Gacaca, soit parce que le coupable était mort, avait fui, ou qu’elles n’avaient pas connaissance de son identité. Ces personnes soulignent l’importance pour elles de raconter – les violences et leur traumatisme – dans leur processus de guérison.

Elles sont également aidées par de nombreuses ONG qui tentent de leur apporter un soutien complet, tant physique, psychologique, matériel, social, économique, que spirituel. L’association Solace Ministries notamment, créée dès 1995 par Jean Gakwandi, les assiste en leur offrant des aides psychologiques individuelles et de groupe, qui permettent aux femmes d’échanger sur leur trauma et de s’aider mutuellement. Grâce au partenariat avec Mukomeze, une ONG créée par de Brouwer, Solace Ministries propose également des activités génératrices de revenus ainsi que des micro-crédits. Ainsi, l’association donne aux victimes les moyens de devenir complètement actrices de leurs vies, dans un pays où 56% des parlementaires sont des femmes.

 

Cléo Fatoorehchi

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