Afin de mettre un terme aux mariages forcés, le Royaume-Uni pourrait bien adopter une loi criminalisant cette pratique avant la fin de l’année, bien que ce soit une solution controversée.
Le Royaume-Uni a une forte minorité de personnes venant d’Asie du Sud-Est – Inde, Bangladesh, Pakistan, Sri Lanka. Suivant leur culture, ces communautés ont tendance à laisser les parents et la famille arranger le mariage de l’enfant, ce dernier donnant plus ou moins son accord. Mais nombreux sont les enfants qui vivent ces mariages comme allant à l’encontre de leur volonté propre. En effet, la plupart sont nés et ont grandi dans la société anglaise, incorporant des valeurs et des normes qui donnent davantage d’importance aux désirs des individus que celles de leur culture d’origine.
Jasvinder Sanghera, ayant elle-même fui un mariage forcé, a fondé l’association Karma Nirvana qui aide les victimes de mariages forcés à y échapper. Elle expliquait en février dernier qu’il arrive souvent, dans ces familles venant d’Asie du Sud-Est, que la fille soit envoyée dans le pays d’origine lorsqu’elle a quinze ou seize ans afin de se marier, avant de revenir en Angleterre, bague au doigt, portant l’habit traditionnel, accompagnée d’un homme qu’elle ne connaît presque pas.
Cette pratique, qui s’oppose à la liberté des individus, est bien souvent également source de violences envers la femme – de la part de la belle-famille et du mari. Pour la combattre, le gouvernement du Royaume-Uni a adopté en 2007 le Forced Marriage Act, offrant ainsi une protection civile sous la forme d’une ordonnance de protection.
Une Unité contre les Mariages Forcés (FMU) a également été créée, laquelle apporta conseils et soutien aux 1468 cas se rapportant à un possible mariage forcé en 2011, dont 78% de femmes (ou filles). Cette Unité travaille notamment avec les ambassades pour rapatrier leurs citoyen(ne)s et ainsi sauver les victimes « qui ont pu être gardées captives, violées, forcées à se marier ou à subir un avortement ». En outre, la FMU forme sur la question des mariages forcés tant les travailleurs sociaux que les professionnels de la santé et de l’éducation. Ces derniers ont tendance, selon Mme Sanghera, à fermer les yeux sur l’absence remarquée de la personne pendant plusieurs mois, de peur d’être accusés de non-respect de la culture d’origine.
Une nouvelle loi en discussion
Afin de lutter plus fermement encore contre les mariages forcés, le gouvernement anglais travaille depuis un an à une loi criminalisant cette pratique, que Karma Nirvana espère voir adoptée avant la fin de 2013. « Nous pensons que cela augmentera le niveau de dénonciation, car à présent de nombreuses victimes ne se sentent pas victimes d’un abus. La plupart des coupables font en sorte que la victime se sente comme le véritable coupable en disant non à un mariage forcé, » rapporte Natasha Rattu, Coordinatrice du service national d’assistance téléphonique de Karma Nirvana, à Opinion Internationale.
En revanche, selon l’organisation Southall Black Sisters (SBS), qui gère également un service national d’assistance téléphonique aux victimes de mariages forcés, la criminalisation, bien qu’elle envoie un message fort, ne servirait qu’à rendre cette pratique clandestine, souterraine. Et cela n’inciterait en rien les victimes à rapporter un mariage forcé car la plupart ne voudraient pas voir leurs parents se faire arrêter. En outre, Hannana Siddiqui, cofondatrice de SBS en 1979, met en avant l’existence déjà d’un certain nombre de délits pénaux, tels que l’enlèvement, l’agression, le harcèlement, qui pourraient être utilisés pour régler efficacement la question des mariages forcés, sans avoir besoin d’une nouvelle loi.