A Paris, on trouve des ruches sur l’Opéra, des moutons qui paissent sur des terrains en friche et des légumes sur les toits. Zoom sur l’agriculture urbaine lors d’un colloque organisé début avril par la SAF – agriculteurs de France et l’association Orée.
58% de la population mondiale est urbaine et ce chiffre va continuer à augmenter dans les prochaines années. La surface agricole est grignotée petit à petit par les villes. Les agriculteurs n’ont pas le choix : « qu’ils le veuillent ou non, s’ils ne s’occupent pas de la ville, la ville s’occupera d’eux » constate Serge Bonnefoy, secrétaire technique de l’association Terres en ville. Alors pourquoi ne pas réconcilier la campagne et la ville ?
Cultiver dans les villes pour nourrir les habitants ?
Tout autour du monde, des projets voient le jour. Aux Etats-Unis – sous l’impulsion de Michelle Obama – une école sur deux cultive un potager et le fruit des récoltes est consommé directement dans les cantines. A Tokyo, les cultures maraîchères sur les toits permettent de faire face au manque de place. Elles sont également moins polluées car les particules stagnent au sol et ne se déposent pas en haut des buildings. À Paris, 320 hectares de toits seraient ainsi exploitables.
Il n’est bien sûr pas question de substituer l’agriculture urbaine à l’agriculture « des champs » mais bien d’en être complémentaire. Dans les circuits traditionnels, 25 à 50% de la production est perdue entre le champ et l’assiette. Les circuits courts, et la vente directe au consommateur, participent à la diminution de cet énorme gâchis. Les fruits et les légumes cultivés en ville, plus fragiles, supportent mal le transport et sont ainsi destinés à la consommation locale.
Impossible cependant d’atteindre l’autonomie alimentaire pour les citadins. « L’agriculture urbaine et péri-urbaine à Grenoble permet de répondre à 3% de la demande de nourriture » rapporte Serge Bonnefoy. Si la fonction nourricière n’est ainsi qu’un objectif secondaire dans ces pratiques, celles-ci participent à une prise de conscience générale : un autre moyen de consommer, plus durable, est possible.
Ou pour rapprocher les habitants ?
« L’agriculture urbaine produit bien plus que de la nourriture, elle produit du lien social» s’enthousiasme Nevin Cohen, professeur à la New School de New York. La demande sociétale d’une agriculture éthique, propre et locale est forte. La mise en culture de champs urbains à New-York, Detroit ou Seattle a permis la création d’emplois dans des quartiers défavorisés. Les récoltes sont vendues sur place et les consommateurs répondent présents.
L’agriculture devient aussi pédagogique, les enfants travaillent pour la première fois la terre et apprennent d’où viennent les légumes qu’ils consomment. Et il peut parfois y avoir beaucoup de travail à faire : « quand on a récolté les radis, un enfant m’a demandé si on allait aussi faire pousser du sel » raconte amusée Kafui Kpodehoun, directrice de culture(s) en herbe(s), qui gère un jardin partagé dans le 11ème arrondissement.
Participant à l’évolution des modes de consommation, nourricière, pédagogique et source de bien-être pour des citadins qui plébiscitent aujourd’hui « le vert » dans les villes, l’agriculture urbaine a de beaux jours devant elle.
Laure Bonati