Le 23 mars dernier, une manifestation organisée à Laâyoune par des militants sarahouis, était violemment réprimée par les autorités marocaines. Cet incident est intervenu alors qu’un projet américain de surveillance du respect des droits de l’homme dans la région, était en préparation. Enterrée aussi vite qu’annoncée, cette résolution, combattue par le Maroc, aurait pu apporter une réponse positive aux revendications défendues de longue date par les Sarahouis. Avec cette tentative avortée, le dossier consacré au contrôle des droits dans la région, semble pour l’heure, classé sans suite.
Les militants sarahouis s’étaient rassemblés à Laâyoune en marge de la tournée au Maghreb de Christopher Ross, l’envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara. L’intervention des forces de sécurité marocaines a été aussi rapide que brutale. Le bilan fait état d’une dizaine de blessés[1]. Las d’attendre une résolution au conflit qui les oppose depuis quarante ans au Royaume du Maroc, les militants réclamaient une nouvelle fois, le respect des droits fondamentaux pour le peuple sarahoui. Liberté d’expression, de réunion, de manifestation et application d’une justice impartiale – autant de droits régulièrement bafoués par les autorités marocaines au Sahara occidental [2].
Un conflit dans l’impasse
Annexé par le Maroc en 1976, suite au départ de l’administration coloniale espagnole, le Sahara occidental est resté depuis lors, l’espace d’un affrontement politique et diplomatique entre l’Algérie et le Maroc. Sur le terrain, il oppose le Front Polisario[3] qui réclame une indépendance du territoire avec le soutien d’Alger, au Royaume chérifien qui administre 80% de la région concernée. Les deux parties ont mis un terme aux affrontements armés à la fin des années 1980, et respecté depuis un cessez-le-feu conclu en 1991. Pour autant, le règlement du conflit n’est toujours pas de mise. 90 000 réfugiés sarahouis[4] continuent de vivre dans des conditions d’extrême précarité dans des camps situés en Algérie et contrôlés par le Front Polisario.
Si Alger soutient le projet du référendum d’autodétermination, Rabat s’y oppose fermement et défend une initiative de large autonomie. Une situation inextricable dans laquelle la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO)[5] joue le rôle d’arbitre. Pour l’impliquer davantage, Sarahouis et ONG, appellent depuis longtemps à l’élargissement de ses compétences.
Le contrôle des droits ajourné
Crée en 1991 sous mandat onusien, la force de maintien de la paix déployée au Sahara occidental, a pour mission de favoriser les conditions de l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Malgré la vingtaine d’années écoulée, la consultation n’a toujours pas vu le jour.
Les effectifs sur le terrain (482 personnes dont 206 personnels en uniforme), sont également chargés de surveiller une bande de sécurité qui sépare la partie du Sahara occidental administrée par le Maroc à l’Ouest, du territoire contrôlé par la République Arabe Sarahouie Démocratique (RASD) à l’Est. Si la MINURSO est parvenue à faire respecter le cessez-le-feu, force est de constater que sa médiation n’a pas permis de garantir jusqu’ici, la pleine protection des droits des Sarahouis.
Et c’est bien sur ce terrain que les activités diplomatiques se sont concentrées ces derniers jours. En effet, le mandat de la MINURSO s’achève officiellement le 30 avril. Sa reconduction dans les mêmes termes vient d’être adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Toutefois, le projet de renforcer les prérogatives de la mission onusienne a été abonné.
L’annonce d’un projet de résolution préparé par Susan Rice, l’ambassadrice américaine à l’ONU avait suscité beaucoup d’espoir. Elle visait à mettre en œuvre un mécanisme de surveillance des droits de l’homme dans la région avec l’appui de la MINURSO. Ces nouvelles compétences auraient permis de mener des enquêtes sur la situation des droits de l’homme pour les Sarahouis au Maroc et dans les camps de réfugiés de Tindouf en Algérie. Ce signal fort et inédit, a été rapidement brouillé par l’agitation de la diplomatie marocaine. La montée au créneau de Rabat et son intransigeance sur le dossier ont eu raison de cette initiative. Si l’ONU a fait part de sa préoccupation quant au respect des droits de l’homme, en y insistant, il est vrai, plus fortement que par le passé, le Conseil de sécurité a renoncé à mettre en place un dispositif de surveillance[6]. Sur fond de crise au Mali et de menace terroriste dans le région, les arguments marocains ont pesé plus lourd que les revendications sarahouies. L’instance de contrôle attendra et il est à craindre que la résolution du conflit aussi.