Il a fallu des dizaines d’étapes pour que le morceau de poulet que vous avez mangé à midi se retrouve dans votre assiette. De l’élevage intensif où il a été engraissé, à l’abattoir et jusqu’au supermarché, c’est toute une filière qui est mise en jeu. Filière mise à mal par les scandales récents et que le sénat a décidé d’auditionner.
Les résultats des analyses commandées par le gouvernement français sont parlants : 13%
des produits testés dits de « bœuf » contenaient en réalité de l’ADN de cheval. Un groupe de
sénateurs a donc décidé de faire le point sur l’état de la production de viande dans notre pays.
Afin de rétablir la confiance des consommateurs, il sera nécessaire de soulever les questions
épineuses de bien-être animal, de mode d’abattage et de traçabilité des produits carnés.
Agriculteurs du terroir contre industriels
L’agriculture est marquée en France du sceau du « terroir ». Les nombreuses appellations
participent à l’idée de qualité des produits, autant sanitaire que gustative. Les consommateurs
attachent de l’importance à l’étiquetage. Ils seraient même près à payer une fois et demi plus cher pour un produit avec « marquage d’origine ». Mais ces derniers mois, cette image d’Epinal d’une agriculture ancrée dans un territoire a été ternie par la révélation des pratiques de l’industrie agro-alimentaire. La viande, une fois transformée et rebaptisée maladroitement « minerai », traverse les frontières pour se retrouver dans les lasagnes. Et on oublie un peu vite qu’avant ce morceau de viande, il y avait un être vivant et sensible.
Bien-être et abattage, deux notions difficilement conciliables
Pourtant, le bien-être des animaux de ferme est une véritable préoccupation sociétale. 62% des
citoyens européens se disent prêts à changer leurs habitudes d’achat pour des produits plus
respectueux de l’animal et 43% d’entre-eux pensent au bien-être des animaux quand ils achètent de la viande1. Bien-être ? cela s’entend aussi à l’abattoir. Sylvie Goy-Chavent, sénatrice UDI de l’Ain et rapporteure de la mission, est particulièrement sensible à cette problématique. Elle a déposé deux propositions de lois, l’une visant à rendre l’étourdissement obligatoire avant l’abattage, et l’autre à ajouter la mention « animal abattu avec étourdissement » sur l’étiquette.
La question de l’abattage sans étourdissement
Il ne s’agit en aucun de relancer la polémique menée par l’extrême-droite sur l’abattage rituel.
On sent d’ailleurs que les membres de la mission ne veulent pas stigmatiser les communautés
religieuses juives et musulmanes. Ce n’est pas le rite qui préoccupe, mais la souffrance de
l’animal qui est encore conscient quand on l’abat. En France, certains sacrificateurs, encore
minoritaires, se disent « prêts à accepter l’étourdissement préalable et à engager une réflexion
sur l’évolution du rite dans un soucis de protection animale » rapporte Fréderic Freund, directeur
de l’O.A.B.A, auditionné par la mission le 25 avril. Il faut rappeler que dans de nombreux pays
où l’étourdissement est pratiqué avant abattage – au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande ou en
Malaisie – la viande est toujours considérée comme halal.
Les auditions se poursuivent (le rapport final est attendu en juillet) avec toujours en ligne de mire le désir de clarifier les choses. On peut parler de volonté de transparence « du pré à l’assiette ».
1. Source Eurobaromètre 2007
hors texte
L’abattage est réglementé en France par un décret de 1964 qui rend obligatoire l’étourdissement
préalable avant l’abattage. L’animal n’est alors plus conscient lors de la mise à mort. L’abattage
rituel (halal ou casher) est dérogatoire et permet la saignée sans étourdissement, et donc sans
perte de conscience.