La mairie de Paris vient d’inaugurer une place au nom de Farhat Hached, le père du syndicalisme tunisien. Au-delà du symbole, cet événement était l’occasion de redemander à la France d’ouvrir les archives nationales pour que la Tunisie connaisse enfin la vérité sur l’assassinat du fondateur de l’UGTT.
Paris, le 30 avril 2013. Devant l’immense portrait de Farhat Hached, peint à la bombe sur la façade d’un immeuble en construction, à deux pas de la bibliothèque François Mitterrand, retentit « Humat Al-Hima », l’hymne tunisien. Des Français de Tunisie et de nombreuses personnalités du monde syndical et associatif sont présentes. La place Farhat Hached vient tout juste d’être inaugurée par Bertrand Delanoë, maire de Paris et maître de cérémonie pour l’occasion. Plus qu’une avancée diplomatique, cette inauguration est un symbole.
Réconcilier la France avec ses idéaux
Farhat Hached est le fondateur de l’UGTT, l’Union Générale Tunisienne du Travail. Il y a 60 ans, le jeune syndicaliste (38 ans) était assassiné par la Main rouge, une organisation armée française qui aurait opéré contre des militants indépendantistes marocains, algériens et tunisiens. Il convient d’employer le conditionnel, puisqu’à ce jour, les archives secrètes sont toujours la propriété de l’Etat français, qui refuse de les transmettre à la Tunisie. Pour l’UGTT, ce rassemblement était donc l’occasion de rendre hommage à son fondateur, mais aussi de demander, par la voix de son secrétaire général, Houcine Abassi, « la restitution à la Tunisie des documents actuellement aux archives nationales françaises. » Une restitution qui, selon lui, « réconcilierait les Français avec les idéaux humanistes de leur révolution. » Un appel au « renforcement de la coopération entre la France et la Tunisie » entendu par Bertrand Delanoë, maire de Paris.
« Pas de colonialisme avec des effets heureux » (Bertrand Delanoë)
Après un début de discours tinté d’émotion, le maire de Paris a tenu une longue diatribe pour dénoncer le colonialisme, affirmant que Farhat Hached était « un grand patriote tunisien, qui s’est battu pour se débarrasser du joug du colonialisme », avant de dénoncer qu’il n’y a « pas eu de colonialisme avec des effets heureux. » « Farhat Hached n’est pas mort par hasard, dans son sommeil ou lors de son action syndicale, a continué Bertrand Delanoë, mais il est mort assassiné par le colonialisme. » Et de demander, « avec gravité », au gouvernement et au président François Hollande « d’ouvrir totalement les archives pour que soit connue la vérité sur cet assassinat. » Pour le maire de Paris, il n’y a aucun doute : « Farhat Hached a été assassiné par l’extrême-droite colonialiste française. J’attends de voir ce que révèleront les archives. »
Un message donné sur un ton ferme par Bertrand Delanoë qui a tenu à conclure son intervention en affirmant : « Je ne fais pas ce geste en tant que fils de la Tunisie ou que membre d’un parti, mais au nom de la ville de Paris. J’assume mes actes ! »
Un espoir après 48 ans de combat
A la sortie de l’inauguration, le fils du syndicaliste, Noureddine Hached, nous déclarait qu’il s’agissait d’un « grand moment personnel, comme pour tout le peuple tunisien. » Pour lui, « le maire de Paris a eu ce courage tant attendu pour que la France regarde dans le miroir du passé. » Comme il l’assène depuis qu’il réclame la vérité sur l’assassinat de son père, « il faut que la France assume la vérité et ses responsabilités. » Et s’il a déjà entendu plusieurs fois des
hommes politiques demander la sortie du dossier des archives nationales, cette fois, le président de la Fondation Farhat Hached est persuadé qu’il est proche du but : « Pour la première fois depuis 48 ans, je sens quelque chose vibrer. » Après avoir demandé la vérité sur l’assassinat de son père à Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy, il espère que, avec l’appui du maire socialiste de Paris, François Hollande fera un grand pas pour l’amitié franco-tunisienne en ouvrant les archives secrètes de la France.