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12H13 - jeudi 9 mai 2013

Le trafic d’Ivoire menace la sécurité en Afrique Centrale

 

Les associations de protection de la nature ne cessent de lancer l’alerte : les éléphants d’Afrique sont décimés. A ce rythme, l’espèce sera éteinte en 2025. En cause, le marché particulièrement lucratif de l’ivoire, dans lequel se sont lancées des bandes lourdement armées qui se livrent à un braconnage industriel des animaux, et menacent la sécurité régionale de l’Afrique centrale.

En 2010, on estime que 2 à 5 éléphants ont été tués par semaine, uniquement pour alimenter le marché européen de l'ivoire. Crédit photo : IFAW

En 2010, on estime que 2 à 5 éléphants ont été tués par semaine, uniquement pour alimenter le marché européen de l’ivoire. Crédit photo : IFAW

En février 2013, Interpol a publié un rapport édifiant sur le trafic de l’ivoire par internet.
Deux semaines de surveillance des sites de ventes aux enchères ont permis de repérer 4500kg d’ivoire en vente, pour un montant total de 1 450 000 €. Internet est une véritable aubaine pour les trafiquants : la législation sur le e-commerce est inexistante et les contrôles impossibles. En 2011, 23 tonnes d’ivoires ont été saisies par les douanes, soit 2500 éléphants tués. Les autorités estiment que les saisies représentent seulement 17 à 40 % du commerce illicite. L’année 2012 s’annonce plus noire encore. On comprend l’ampleur du braconnage qui pèse sur cette espèce emblématique de la grande faune africaine.

Un trafic particulièrement lucratif

Un kilogramme d’ivoire brut se négocie environ 100 € en Afrique et monte jusqu’à 1600 €
en Chine (soit 14 000 € par éléphant), principal client de ce marché noir. Les profits sont
considérables pour les vendeurs. Le commerce illégal des espèces sauvages représente
entre 7 et 10 milliards de dollars par an. C’est l’un des plus lucratifs et l’un des moins
sanctionné.
Les mafieux se sont fait braconniers. « La situation a changé dramatiquement. On ne parle plus de braconnage artisanal, mais d’un braconnage industriel, le tout organisé par des syndicats criminels transnationaux bien armés et bien organisés », a déclaré Jules Caron, chef de communication du Fonds mondial pour la nature (WWF) en Afrique centrale. Et ce sont des dizaines de milliers d’éléphants qui sont massacrés chaque année.

L’ivoire de sang

la sécurité de la région est menacée par les milices qui braconnent les éléphants

« Le commerce illégal des produits de la faune sauvage est tombé dans les mains de
groupes terroristes et de milices qui en utilisent les revenus frauduleux pour poursuivre
leurs actions criminelles. Par analogie aux « diamants de sang », nous sommes confrontés
à « l’ivoire de sang » » déplore Marcel Van Opstal, ambassadeur de l’Union Européenne en Republique du Congo, à Brazzaville 4 décembre 2012.
Les milices Janjawides et LRA (armée de résistance du seigneur) venues du Sud Soudan sont souvent mises en cause. Elles tuent des éléphants et commercialisent l’ivoire contre des armes, qui alimentent ensuite les guerres civiles. Trafic d’ivoire, d’armes et de drogue utilisent désormais les mêmes réseaux. Et les méthodes des braconniers sont extrêmement violentes : 6 gardes du parc national de Zakouma, au Tchad, ont été assassinés en septembre 2012.

La sécurité des pays d’Afrique Centrale menacée

Le braconnage des éléphants est bien plus qu’un problème environnemental, c’est le signe de la déstabilisation de toute l’Afrique Centrale. Il pèse sur la sécurité de cette région et sur les perspectives économiques et sociales de ces pays. « Ces réseaux menacent la souveraineté des frontières des pays, la sécurité de leurs citoyens et la crédibilité de leurs gouvernements » déclare Christopher W. Murray, ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en République du Congo. « Ces bandes armées agissent dans l’impunité la plus totale à l’intérieur de la zone de non droit qui part du Soudan et s’étend jusqu’à l’Océan Atlantique en passant par la République démocratique du Congo, la République Centrafricaine, le Tchad, le Congo, le Gabon et le Cameroun » ajoute Marcel Van Opstal. La corruption qui ronge ces Etats est une difficulté supplémentaire et les braconniers/miliciens restent impunis.

l'association Des Éléphants & des Hommes œuvre pour une coexistence harmonieuse entre l'homme et l'éléphant. Crédit photo : Laure Berthon

l’association Des Éléphants & des Hommes œuvre pour une coexistence harmonieuse
entre l’homme et l’éléphant. Crédit photo : Laure Berthon

L’éléphant est un magnifique porte-drapeau, sa valeur patrimoniale est inestimable.
L’homme doit ré-apprendre à coexister avec lui et à le protéger. Les actions locales sont nécessaires mais bien insuffisantes, et seule une coopération internationale peut mettre un terme à ce trafic meurtrier en interdisant tout commerce de l’ivoire.