Dans son œuvre Margaret Thatcher : In her own words, l’écrivain britannique Iain Dale partage cette anecdote : « en 1988, ma nièce âgée de quatre ans s’est adressée à moi pour me demander « Oncle Ian, est-il possible pour un homme d’être Premier ministre ? ». Cet exemple met en avant le changement décisif que Margaret a apporté sur la scène politique en régnant pendant onze ans sur le Royaume Uni en tant que première femme Premier ministre.
Décédée à l’âge de 87 ans le 8 avril 2013, elle laisse un pays divisé aussi bien de son vivant que de sa mort sur la question de son « féminisme ». Issue d’un milieu modeste, l’ascension étonnante de « Maggie » incarne une valeur importante du féminisme : que les femmes soient égales aux hommes dans les faits, et notamment en politique.
« Le féminisme est un poison » selon Margaret Thatcher
Cependant, son parcours exemplaire reste problématique car il ne sert pas la cause féministe. Elle se plaisait à dire que seules sa chance et sa détermination lui avaient permis d’avoir une telle carrière. Nombreux sont ceux et celles qui lui ont reproché au fil du temps cette indifférence vis-à-vis du combat féministe, indifférence qui l’aurait poussée à reproduire un modèle masculin de la politique. Préférant être entourée d’hommes, Margaret Thatcher a choisi de ne pas attribuer de poste à des femmes dans son cabinet.
Son intransigeance, à la fois en politique intérieure contre les mineurs et en politique étrangère dans l’affrontement pour les Malouines, lui a valu le surnom de « Dame de fer », quand elle n’était pas taxée d’être « un tel monstre ». Ceci, doublé de son apparence féminine maladroite derrière laquelle elle déguisait sa volonté politique, sont pour certains des arguments décisifs sur « sa masculinité ». Alison Phillips affirme dans le Daily Mirror qu’ « elle montrait peu de signes de ces traditionnels traits féminins d’humilité ». Le journal tient à rappeler le vrai visage de la « voleuse de lait », qui n’a pas hésité à mettre fin à la distribution gratuite de lait dans les écoles au début des années 1970. Les critiques ne s’arrêtent pas là. La députée Glenda Jackson, ferme opposante aux politiques mises en place par Thatcher, a déclaré ne pas reconnaître en Margaret une femme, lors d’un discours enflammé le 24 avril dernier à la Chambre des Communes. Bien que de manière positive, Ronald Reagan, Président des Etats-Unis, l’avait par ailleurs surnommée « un grand homme de l’Europe ».
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Selon le journaliste Shriver dans Slate, elle peut être considérée comme une icône féministe puisqu’« elle ne se contentait pas de parler, elle agissait ». Les pro-Margaret suggèrent donc que son indifférence envers les femmes est à nuancer. Thatcher voulait prouver que « si vous voulez que quelque chose soit dite, demandez un homme, si vous voulez que quelque chose soit faite, demandez une femme ».
Finalement, Margaret a malgré elle ouvert la voie aux femmes en politique. « Elle a prouvé qu’elle pouvait très bien faire ce travail [être Premier ministre], elle a été une force dans l’histoire, j’admire et respecte cela ; et je pense qu’elle a eu un impact sur de nombreuses personnes en politique, dont moi », a avoué Nancy Pelosi, chef de file du Parti démocrate à la Chambre des représentants américaine depuis 2002, lors de son passage à la London School of Economics à Londres.
Ainsi, son héritage semble résider dans la bataille individuelle qu’elle a menée, qui a fait d’elle un modèle politique pour les femmes et l’a bien gardée de devenir une icône du féminisme.
Priscillia Mudiaki