C’est un nouveau parti, celui des abstentionnistes, qui a remporté les élections italiennes avec près de 40 % des suffrages. Ce petit groupe de déçus de la politique qui, au cours des dernières années, a fait entendre sa voix aux urnes par son silence, a maintenant atteint une importance qui ne peut plus être ignorée.
Il fallait cependant s’y attendre, car la politique italienne a donné une très mauvaise image d’elle-même, récemment encore avec l’élection du Président de la République. Le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo, consacré comme le premier parti d’Italie il y a à peine trois mois s’est en revanche effdondré. Il fallait aussi s’y attendre. D’abord, parce que les élections administratives ne sont pas les élections politiques : En Italie, le candidat compte plus que son appartenance politique, son expérience, sa visibilité et son lien avec le territoire comptent aussi. Le Parti démocrate et le Peuple de la Liberté sont présents sur la scène politique depuis des années, au contraire du M5S.
Le Mouvement 5 Etoiles à l’épreuve de la démocratie
De plus le parti de Beppe Grillo paie le fait d’avoir élu au Parlement des citoyens qui ne sont pas toujours à la hauteur de la situation : trop inexpérimentés, pas très convaincants, très arrogants. Le M5S a construit son identité sur l’idée que les partis traditionnels ne répondaient pas aux problèmes des citoyens et qu’en votant pour ce parti, les choses iraient nécessairement mieux. Mais ce principe s’est envolé quand ils ont intégré le Parlement.
Si jusqu’au 23 février les grillini pourrait accuser « le système », en le traitant de tous les noms, aujourd’hui ils font partie intégrante de ce système et pour essayer de le changer, ils sont obligés d’accepter la confrontation, de se frotter au débat, de faire des compromis avec ces partis accusés d’être les auteurs de l’effondrement italien. Il n’est pas dit que le pureté paie en politique et, dans ce cas, revoir sa position ne signifie pas trahir sa propre philosophie, mais simplement prendre des mesures concrètes pour le changement. Cette partie de l’électorat – qui a voté M5S en février pour afficher son mécontentement – en veut en effet au M5S parce qu’ils voulaient un renouvellement et ils se sont retrouvés avec un gouvernement de larges alliances.
Le PD n’incarne pas le changement espéré, tandis que le M5S manque encore de crédibilité
De la même manière, les électeurs du Parti démocrate en veulent au PD parce qu’ils voulaient un changement et ils se sont retrouvés, eux aussi, avec des partisans de Berlusconi au gouvernement. Si tel est l’épilogue, il n’est pas étonnant que les citoyens désertent les urnes. Le résultat des élections administratives n’a pas valeur de test politique national, mais il confirme certainement qu’il ne suffit pas d’être un nouveau mouvement pour gagner. Il confirme également que les foules enthousiastes qui ont convergé sur les places italiennes lors du «Tsunami tour » de Grillo jusqu’en février 2013 a en fait besoin, pour devenir crédible, de se nourrir de mots justes et d’actions concrètes.
Les faits le prouvent : Aux élections administratives, le parti le plus sévèrement jugé par les électeurs a justement été le M5S, parce que ce mouvement, contrairement aux vieux partis, est la dernière lueur d’espoir, la dernière possibilité de changement pour de nombreux étudiants, travailleurs précaires et chômeurs. Le dernier obstacle au parti des abstentionnistes pour lesquels la politique actuelle n’apporte pas de réponses concrètes.
Serena Grassia, journaliste italienne