2013 marque les dix ans de la guerre en Irak et le retrait progressif des forces de l’OTAN d’Afghanistan. Si les deux guerres américaines de ce début de XXIe siècle ont été menées en partie pour défendre les droits des femmes, il est clair que le but n’a pas été atteint. Aussi bien les Afghanes que les Irakiennes font aujourd’hui face à une situation problématique en matière de sécurité, de représentation politique, de justice et de violences basées sur le genre.
Dès les années 1890, les femmes afghanes ont vu leur sort s’améliorer, en gagnant notamment le droit au divorce et l’accès à la propriété. Les politiques afghanes n’ont cessé d’octroyer davantage de droits aux femmes tout au long du XXe siècle. Cette dynamique moderniste a culminé avec la reconnaissance de leur droit de vote dans la Constitution de 1964 et la mise en place de la première République afghane en 1973 qui a amené une période de changement social et politique accéléré. Les femmes docteures, professeures, avocates, juges, étaient nombreuses en 1980.
De même en Irak, les femmes ont obtenu leurs droits et libertés au fil des années, sous l’égide du parti socialiste Baas de Saddam Hussein. Reconnues égales aux hommes devant la loi en 1970, les Irakiennes ont le droit de vote depuis 1980. Et avec des taux d’éducation et d’alphabétisation des femmes qui n’ont eu de cesse d’augmenter, leur accès aux emplois qualifiés s’est largement amélioré, hissant les femmes irakiennes au rang des femmes les plus éduquées et professionnelles du monde arabe.
Le funeste tournant de la guerre pour les libertés des femmes
Mais, autant en Irak qu’en Afghanistan, le mouvement de progrès commença à se renverser en 1980. En effet, entre la guerre Iran-Irak et l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, les deux pays sont entrés dans une période de conflits qui n’a toujours pas pris fin.
Les femmes irakiennes ont été harcelées, emprisonnées, torturées, battues, violées et exécutées durant une décennie, lorsque le gouvernement tentait de conserver un pouvoir fort. Saddam Hussein a même autorisé en 1990 ce que l’on appelle les « crimes d’honneur », dont plus de 4000 femmes ont été victimes. Si la situation s’est peu améliorée la décennie suivante, elle s’est particulièrement dégradée avec l’arrivée des troupes américaines en Irak en 2003. Cette guerre éclair a installé l’instabilité et l’insécurité à long terme dans le pays. Certains mouvements en ont profité pour attaquer les infrastructures économiques et celles en eau et en pétrole, ce qui a engendré la pauvreté, rendant les familles plus vulnérables. Les femmes et filles se sont trouvées être les victimes d’enlèvements et de viols, tandis que les responsables ont pu jouir d’une réelle impunité du fait de la guerre.
Quant aux femmes afghanes, leur sort est assez similaire. La décennie 1980 a été témoin d’une telle insécurité et instabilité politique que les Talibans avaient le champ libre pour prendre le pouvoir en 1996. Les Afghanes ont vu leurs libertés se réduire au fur et à mesure que la guerre civile continuait, mais leur oppression a été véritablement complète sous le joug des Talibans. Interdites d’accès à l’éducation, de travailler hors de leur maison, de sortir dans la rue sans être accompagnée d’un homme (père, frère ou mari), forcées de porter la burqa, les Afghanes ont du, en outre, supporter les violences basées sur le genre si elles s’écartaient un tant soit peu de cette interprétation de la Shari’a. La communauté internationale s’est fortement mobilisée sur leurs conditions de vie en 2001, lorsqu’il fallait aux Etats-Unis une excuse valable pour aller faire la guerre contre la terrorisme, en commençant par l’Afghanistan. Les médias ont donc relayé les images de femmes se débarrassant enfin de la burqa dans un geste symbolique permis par la présence des troupes de l’OTAN.
Cependant, le répit fut de courte durée. Entre 60 et 80% des femmes en Afghanistan subissent des mariages forcés, dont 57% avant l’âge de 16 ans. Et la représentation politique des femmes, qui pourrait sensibiliser aux problèmes de violences basées sur le genre, est encore bien faible. Malalai Joya, la plus jeune femme afghane à entrer au Parlement en 2005, a été suspendue de ses fonctions deux ans plus tard pour avoir vivement critiqué la mainmise des « seigneurs de guerre » sur la politique afghane et l’absence de libertés pour les femmes dans son pays. Le dernier revers auquel les Afghanes ont du faire face date du 18 mai, lorsque le Parlement a rejeté la loi sur l’élimination de la violence contre les femmes (EVAW). Cette loi, passée par décret présidentiel en 2009, devait criminaliser vingt-deux actes de violence contre les femmes telles que la prostitution forcée, le trafic sexuel et les mariages forcés ; imposer des restrictions sur la polygamie ; garantir un meilleur accès des femmes et filles à l’éducation, la propriété et l’héritage.
Les femmes, des êtres aux ressources inépuisables
Malgré ces problèmes, les femmes résistent et se battent pour leurs droits et leurs libertés par le biais de la création d’associations. L’Organisation pour la liberté des femmes (OWFI) par exemple travaille en Irak depuis le début de l’intervention américaine, apportant son soutien aux femmes victimes de viols et de violences sexuelles en leur procurant un refuge où vivre. Yanar Mohammad, la directrice d’OWFI, est très engagée à améliorer le sort de la femme en Irak, et mène d’incessantes campagnes contre le trafic humain et sexuel, contre les « crimes d’honneur » et pour de meilleures conditions dans les prisons pour femmes.
Après toutes ces années de conflits, les femmes ne perdent pas espoir de voir leur situation s’améliorer. Quoiqu’il advienne après le retrait total des forces de l’OTAN d’Afghanistan en 2014, elles continueront à se faire entendre.